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Le tribunal de grande instance de Paris accueillait, lundi 6 novembre, en "avant-dernière", l’audience du procès Yahoo !. À 14 heures, tout le monde était réuni autour du juge Jean-Jacques Gomez : la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), l’Uejf (Union des étudiants juifs de France) le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) et bien sûr les experts.
Réunis pour la première fois, devant une assistance serrée pour l’occasion sur les bancs de la salle d’audience, François Wallon, l’expert français trônait aux côtés de l’Américain Vinton Cerf, le célèbre co-papa du protocol IP (qui permet aux ordinateurs de communiquer entre eux). Seul Ben Laurie, le troisième consultant d’origine britannique, était absent en raison des turbulences météorologiques qui avaient empêché son avion de quitter le tarmac de l’aéroport de Londres.
Une mission technique
Wallon sous les feux de la rampeJulie Krassovsky |
D’entrée, François Wallon a précisé la mission du collège d’experts : "
Il ne nous appartient pas de prendre position dans cette affaire, notre mission est seulement technique." Une mission délicate. Les trois experts devaient montrer au juge de quelle façon la technique pouvait répondre à son ordonnance du 22 mai. Autrement dit, contraindre la firme américaine à empêcher les internautes français d’accéder aux enchères litigieuses de Yahoo ! auction. Dans ce but, le juge demandait notamment s’il était possible d’identifier avec certitude le pays d’origine depuis lequel un internaute se connecte. À cette question, la réponse du rapport a été claire : c’est non.
Filtrage par adresse IP et mot clé
Vinton CerfJulie Krassovsky |
"
L’identification géographique par adresse IP est possible avec certitude à environ 80%. Sur ce point, nous avons pris l’avis de l’AFA (l’association des fournisseurs d’accès), une association représentative", a ainsi expliqué François Wallon. Selon l’expert français, l’organisation du filtrage des internautes uniquement à partir de leur adresse IP est insuffisante et difficilement réalisable. Pourtant, elle l’est, dans certains cas : "
Lorsque l’on se connecte sur Yahoo.com (américain) depuis un serveur français, on tombe sur une publicité rédigée en français. Yahoo ! dispose donc de moyens d’identification de l’origine géographique des internautes", explique-t-il. De ces observations découle la proposition des experts : filtrer la requête des internautes en fonction de leur adresse IP, en la combinant à un filtrage par mot-clés. Explication : dans le cas où un internaute, identifié comme français, chercherait à acheter un objet illicite sur Yahoo auction - une recherche déterminée par l’utilisation d’un mot clé comme nazi, SS, etc. - le moteur de recherche de Yahoo ! auction n’effectuerait pas sa mission.
Plaidoiries
Après deux bonnes heures de débat autour des solutions techniques, chaque partie commence à plaider. Marc Levy, l’avocat de la Licra fustige la "mauvaise foi" de Yahoo ! accusé de "balader" les associations depuis six mois. Il réitère la demande de condamnation d’astreinte à 200 000 euros (environ 1,3 million de francs) par jour. Il insiste sur l’amélioration du système de filtrage : pourquoi ne pas faire remplir un questionnaire au vendeur en ligne d’un objet lors de son entrée sur le site ? Stéphane Lilti, l’avocat de l’UEJF réitère sa demande : Yahoo France doit supprimer tout lien hypertexte renvoyant à Yahoo.com jusqu’à ce que la firme se conforme à l’ordonnance du juge. Laurent Levy, l’avocat du MRAP suit le mouvement.
L’UEJF fait prendre un chemin de traverse au débat : l’association reproche à Christophe Pecnard, l’avocat de Yahoo Inc. d’avoir deux têtes ou deux casquettes. Il siège au conseil d’administration de Yahoo Inc. L’intéressé ne dément pas. Il défend son dossier : "Les solutions techniques ne sont pas assez fiables pour les mettre en pratique. Les experts n’ont pas évoqué, comme il était prévu, le coût que ce filtrage entraînerait pour Yahoo Inc." L’avocat conteste l’utilité des mesures techniques proposées : "Elles vont toucher les internautes qui cherchent des objets nazis et non pas ceux à qui ces produits pourraient être proposés, sans qu’ils en aient le désir." Une question à méditer. On croyait avoir tout entendu. Mais non ! En fin d’audience, comme un coup de théâtre, arrivent les déclarations du procureur.
Le procureur crée la surprise
Surprise : Pierre Dillange se déclare perplexe qu’on veuille imposer à Yahoo ! de filtrer l’accès à son site. "La justice française doit statuer à la mesure de ce qui est possible et réalisable", assène-t-il. En l’absence d’une fiabilité à 100%, le procureur ne voit donc pas pourquoi Yahoo ! encourrait la condamnation du juge. Pour lui, d’ailleurs, la solution d’une affaire comme celle-ci mériterait plus qu’un arbitrage de la justice : un recours aux autorités politiques. Hors du prétoire, les avocats se regardent ébahis. "Il n’a pas lu le rapport, ce n’est pas possible", commente Marc Levy, ahuri. Plus loin un autre lance en riant : "C’est ce qu’on appelle la maladie d’Alzheimer, non ?" Mais non, à l’évidence, le substitut sait très bien ce qu’il a dit. Idée : pourquoi assommer une société étrangère qui ne fait rien de mal dans son pays. Si l’on peut regretter n’avoir aucune prise sur Yahoo !, il faut parfois reconnaître les limites de la justice . Le juge Jean-Jacques Gomez ne sera peut-être pas du même avis quand il rendra sa décision le 20 novembre !
Yahoo
! Une vraie mauvaise bonne idée
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Les
experts ont donc estimé quil était possible, avec
une précision évaluée à 80%, de filtrer
les visiteurs dun site en fonction de leur provenance. Bravo !
Quelle perspicacité
Cest chose connue depuis toujours.
Il suffit de vérifier ladresse IP pour voir à
quelle zone géographique elle appartient et autoriser ou non
le reste de la visite. Les experts souhaiteraient combiner cette méthode
avec la recherche que pourrait faire linternaute sur le site.
Et donc interdire au détenteur dune adresse IP française
de rechercher " Nazi "(par exemple) sur le site denchères
de Yahoo !
Cette solution est-elle adaptée à " laffaire
Yahoo ! " ? Certainement pas. Premièrement, ce barrage,
aussi sophistiqué soit-il, ne pénalisera pas ceux qui
cherchent vraiment à acheter des reliques nazies. Il leur suffira
dutiliser un proxy pour surfer ou un anonymiseur. Deuxièmement,
une personne ou une association qui contribue à faire la chasse
aux racistes de tous poils, comme la Licra, lUEJF ou le Mrap,
peuvent avoir besoin de faire ce genre de recherches pour des motifs
parfaitement "légitimes". Avec ce type de solution
aveugle, cette démarche aussi sera interdite. Et les nazillons
pourront faire leur sale trafic en toute discrétion. Bien vu
Antoine Champagne
Liens de larticle :
Un site fournissant une liste de " proxys " accessibles
http://www.cameleon.org/proxy.html#liste
Un site pour surfer anonymement
http://anonymizer.secuser.com
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