Lundi 5 février, l’Union fédérale des consommateurs assignait en justice AOL pour dénoncer son forfait illimité. Le débat est vite passé des problèmes de déconnexions répétées aux accusations de mensonge et de malveillance.
"Mensonge et arnaque" contre "malveillance et agressivité". Ce lundi 5 février, au tribunal de grande instance de Nanterre, le ton du débat entre l’association de consommateurs UFC et AOL est monté d’un cran. L’Union fédérale des consommateurs assignait le fournisseur d’accès à Internet en référé pour non-respect de ses engagements contractuels et publicitaires pour son forfait illimité, lancé à l’été 2000. Les deux heures d’audience ont été, pour chacune des parties, l’occasion de montrer que l’autre ne souhaitait qu’une chose : se faire de la publicité. Selon l’association de consommateurs, AOL n’a lancé ce forfait illimité, en août 2000, que pour se placer en premier sur ce marché de l’Internet illimité et ainsi gagner des parts de marché. Et ce malgré les problèmes de connexion, qu’elle connaissait déjà, au vu de son expérience américaine. Selon AOL, l’action en justice d’UFC-Que choisir ne répond qu’à une seule préoccupation : faire son auto-promotion. La preuve : ce communiqué, rendu public, vendredi 2 février, dans lequel UFC utiliserait, selon maître Marion Barbier, défenseur d’AOL, des termes "inadmissibles et malveillants". Il y est écrit qu’AOL a "bidouillé des solutions techniques", que la société a "effectué pendant plusieurs mois une publicité trompeuse".
Bagarre de chiffres
Bagarre des mots et des chiffres. Un investissement de 600 millions de francs, 60 000 modems achetés, un doublement des effectifs de la hotline, 99 % de connexion à la première tentative : maître Barbier en fait des kilos pour démontrer la bonne foi du fournisseur d’accès. Au point que le président du tribunal l’interrompt en fin de plaidoirie : "Vous êtes en train de magnifier l’action d’AOL." En face, maître Brasseur, l’avocat d’UFC, n’a pas mâché ses mots contre le premier fournisseur d’accès mondial : "AOL sait qu’il a vendu du vent" ; "il bride volontairement les internautes". Au cœur de son accusation, le modulateur de session. Il s’agit d’un petit logiciel qui déconnecte automatiquement un abonné dès qu’il dépasse les 30 minutes de surf. Et qui énerve prodigieusement les abonnés AOL. ...tonnant en effet pour un forfait qui se dit illimité. Maître Barbier reprend alors une argumentation bien huilée, utilisée lors des différentes procédures d’AOL contre des particuliers : ce modulateur ne concernerait que 3 % des utilisateurs, les gros surfeurs, et ne serait mise en place qu’aux heures de pointe entre 20 h et 23 h.
Illimité contre permanent
Mais plus intéressante est l’explication terminologique qui s’en suit. S’appuyant sur un texte de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), l’avocate explique qu’ "illimité ne veut pas dire permanent". En effet, illimité indiquerait simplement que l’internaute peut se connecter autant de fois qu’il le souhaite au réseau. Et chez AOL, c’est le cas puisqu’il doit se reconnecter obligatoirement toutes les 30 minutes ! Une nuance qui permet en tout cas à l’avocate d’affirmer qu’AOL n’a donc pas fait de publicité mensongère. Difficile à digérer pour le défenseur d’UFC qui brandissait quelques minutes auparavant le kit de connexion d’AOL où est inscrit en gras en en capitale : une connexion 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Finalement, chacune des deux parties a souhaité se faire passer pour la victime. UFC a demandé l’interdiction des timers et du modulateur de session, ainsi que 400 000 francs de dommages et intérêts. Quant à AOL, la société a demandé l’irrecevabilité des demandes et une condamnation de 100 000 francs pour abus du droit d’ester en justice. Et les internautes ? Il en a été finalement peu question. Ou pour dénigrer l’importance et la validité de leurs réclamations. Chez AOL, on explique qu’on aurait préféré des rapports d’experts ou des constats d’huissier. Le président rendra sa décision le 20 février prochain.