Conçu par l’artiste Fred Forest, le premier site internet vendu lors d’une vente aux enchères "classique" a atteint 183 000 F, samedi 28 octobre, à Drouot Montaigne.
Internet a fait office de voiture-balai, samedi soir, à Drouot Montaigne. Maître Pierre de Cornette de Saint Cyr avait en effet placé "couleur-réseau", site internet de monochromes numériques en ligne, créé par l’artiste Fred Forest en juillet 2000, en point d’orgue de la vente d’art contemporain à laquelle il procédait. En début de soirée, l’enchère d’une œuvre de Jean-Michel Basquiat a atteint 520 000 F, une pioche signée Joseph Beuys part à 45 000 F, un Robert Combaz déçoit maître Cornette de Saint Cyr en s’envolant à 170 000 F, avant que "L’homme à la tête de slip", dessin du même "Robert", ne parte pour 8 500 F. Un acheteur s’offre pour 2 500 F le droit d’agresser "de la manière qui lui plaira Alberto Sorelli, vêtu de ses habituelles baskets et d’une chemise blanche". Puis un des trois exemplaires de la cassette VHS d’un lâcher de 150 000 papillons lors de la première Technoparade en 1998, s’envole pour 2 500 F dans une quasi-indifférence.
Il est 23 h 45 quand Fred Forest arrive enfin, maillot rayé et lunettes roses, expliquer sous l’œil amusé de Me Cornette de Saint Cyr, que "tout ça, c’est le passé". Il évoque rapidement son œuvre, "totalement immatérielle", ajoute que son acquéreur recevra "un certificat et un code d’accès" et rappelle qu’il s’agit, en substance, de renouer avec le rouge Véronèse et le bleu Klein. Mises à prix à 50 000 F, les 17 pages de son "site internet" vendues en "première mondiale" aux enchère publiques, grimpent vite à plus de 100 000 F. Pourtant, la salle ne grouille pas des créateurs de start-up que Forest invitait sur son site à jouer les "mécènes" et les "princes de la Renaissance". La suite des enchères se réduit à un duel téléphonique entre deux enchérisseurs, et s’achève à 183 000 F. "Il a gagné sa journée, le père Forest", souffle un galeriste manifestement contrarié. "Fred, il y a RTL qui te demande !", insiste Pierre Cornette de Saint Cyr, fatigué.
300 000 F pour une surface blanche
L’intéressé préfère sourire à une webcam : "Je n’ai aucun moralisme par rapport à l’argent." Lui qui a vendu cette année au Fond national d’art contemporain (FNAC) une œuvre de 1972 pour 300 000 F (une surface blanche de 150 cm2 publiée dans Le Monde en 1972 et invitant au débat) ne semble pas surpris du résultat. En 1996, il avait cédé pour 58 000 F une œuvre numérique à Bruno Chabannes et Antoine Beaussant, les futurs fondateurs de N@rt.
Deux jours après la vente, ce lundi, Fred Forest assurait ne pas connaître le nom de l’acquéreur, à qui il demande seulement "de rendre son œuvre visible par tous sur le réseau". N’en déplaise à maître Cornette de Saint Cyr, il songe à iBazar pour vendre sa prochaine œuvre. "Vous n’auriez pas un contact à la direction ? Cela me permettrait de questionner la fixation du prix en art" déclare l’artiste à Transfert, très fier d’être invité le 9 novembre prochain "chez PPDA" pour parler de son procès perdu en Conseil d’...tat, pour avoir tenté d’obtenir la transparence sur les prix des acquisitions réalisées par le Centre Pompidou.