Trois grands groupes rachètent peu à peu les agences photos et leurs fonds d’images. Objectif : numériser les photos et les vendre via Internet. La notion de droits d’auteur s’en trouve fragilisée.
Ça va encore chauffer au festival de photojournalisme Visa pour l’Image, dont la 12e édition se tient à Perpignan du 2 au 17 septembre. Cette manifestation qui attire toute la profession (agences photographiques de presse, journaux, photographes) témoigne depuis plusieurs années du malaise engendré par le rachat des fonds d’images par une poignée de grands groupes. En 1999, la présence de Steve Davis, patron de Corbis, au moment du rachat de l’agence Sygma, avait provoqué quelques remous parmi les photographes les plus opposés à la numérisation à tout va.
Le portail d’Hachette
Cette année, c’est le groupe Hachette qui devrait être au centre des discussions. Déjà propriétaire de l’agence Gamma depuis quelques mois, Hachette Filipacchi Médias serait en négociation avec Rapho, Keystone et Katz. Surtout, le groupe a annoncé en juin dernier la création d’un portail de vente en ligne baptisé Hafimage, qui regroupera les photos d’agence et les productions des titres du groupe. " Nous ne savons pas encore ce que sera ce portail, et beaucoup de choses restent à définir, déclare Mark Grosset, directeur de l’agence Rapho. Il est évident que l’entrée d’Hachette dans notre capital va nous permettre des investissements que nous ne pouvions pas faire auparavant du fait de notre déficit. Par contre, nous nous donnons le temps de la réflexion quant aux nouveaux contrats qu’il nous faudra proposer aux photographes, car j’offre à Hachette un fond unique, et je ne souhaite pas qu’il soit diffusé n’importe comment. "
Les droits d’auteur attaqués
© Freelens |
Le passage à l’ère numérique et à la diffusion via Internet nécessite en effet la redéfinition des contrats passés avec les photographes. Ce passage ne se fait pas sans douleur. Les groupes Prisma-Presse et Marie-Claire, par exemple, ont récemment proposé à leurs collaborateurs des contrats particulièrement "alléchants" : les auteurs perdent tous leurs droits en cas d’exploitations sur des supports multimédias et endossent l’entière responsabilité en cas de litige lié au droit à l’image. Vive réaction des photographes qui, pour dénoncer ce type de contrat, se sont regroupés avec des Allemands au sein du collectif freelens. D’autant que si le droit d’auteur est encore une valeur relativement respectée et protégée par des lois en France, on peut s’interroger sur l’application de ses principes outre-Atlantique.
L’ombre de Bill Gates
La course frénétique à la concentration est en effet planétaire. En l’espace de trois ans, les plus grands fonds d’images du monde se sont vus rachetés par les leaders de la vente en ligne dans ce domaine. Deux sont américains : Corbis, créé en 1989 par Bill Gates et Getty, fondé en 1994 par un groupe fortuné du pétrole reconverti dans le contenu graphique. Hachette est le troisième larron. Récemment entré dans la danse, ce dernier refuse d’être assimilé aux deux autres, privilégiant la qualité, la photographie d’auteurs, et même de jeunes talents. Seule l’agence Sipa, dont l’habile fondateur, Göksin Sipahioglu, a déjà repoussé les avances de Corbis et Getty, reste indépendant, malgré les rumeurs de pourparlers avec Havas. Sipa représente 25 millions d’images dont 400 000 numérisées, couvrant tant l’actualité que le " people " et l’illustration. L’agence est de ce fait l’objet de moult convoitises.
Les
trois grands
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Corbis : créé par Bill Gates en 1989, riche de 65 millions
d’images dont 2,1 millions numérisées. C’est le
premier portail à avoir passé des contrats avec des galeries
ou des musées dont le Louvre, pour la vente de reproduction d’œuvres
d’art pour un prix moyen de moins de 10$.
Getty Images : entreprise familiale qui fit fortune dans le pétrole,
a fait sa reconversion dans le contenu graphique depuis 1994, annonce 70
millions d’images dont bientôt 2 millions numérisés.
Son chiffre d’affaires en 99 dépassait le milliard de francs.
Hafimage : filiale du groupe Hachette Filipacchi Médias compte
avec le rachat de Gamma, de l’agence Hoa-Qui, MPA, et la production
de ses propres titres, cinq millions d’images, dont très peu
sont numérisées.
Parmi les trois géants, Hachette possède des titres de presse
et d’édition et pourra fournir en images ses propres supports. |
http://www.sipa.com/
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http://www.gettyimages.com/
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http://www.corbis.com/
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http://freelens.france.free.fr
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http://www.rapho.com/rapho.htm
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