L’Institut de l’Audiovisuel et des Télécommunications en Europe (IDATE) a convié le gratin des télécoms à Montpellier. Le thème de la réunion, le haut débit, enthousiasme tout le monde, même si les conflits sur le dégroupage se font sentir...
Les Journées de l’IDATE, consacrées cette année au haut débit, se sont ouvertes, jeudi 22 novembre, sur un ton résolument optimiste. Histoire, sans doute, de lutter contre la déprime ambiante dans les télécoms. Devant le gotha des opérateurs, des équipementiers et des fournisseurs d’accès (FAI), Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel, a prédit l’avènement du marché de masse du haut débit en Europe pour 2003. Il a avoué lui-même que la fixation de cette date était assez aléatoire – incantatoire, pourrait-on dire :"J’ai dit 2003 parce que la technologie est prête, l’économie commence à être convaincante, et la demande d’interactivité est plus forte." Quant aux moyens de la généralisation du haut débit, ce sera la télé, a martelé le PDG d’Alcatel, société détenant des participations dans Thomson (dans la télé, justement).
Pour Bruno Salgues, enseignant à l’Institut National des Télécommunications, cette prise de position optimiste est caractéristique d’une période de crise : "Dans le marasme actuel, plus personne ne sait où il habite ! Alors pour sauver les meubles, il y a deux méthodes. Certains, comme Tchuruk, ont une vision : " Je n’y comprends rien, mais j’ai eu une apparition, la Sainte Vierge m’a dit de prendre cette direction, donc je suis prêt à prendre les risques associés ". D’autres choisissent une stratégie attrape-tout : prenons toutes les technologies existantes, il y en a bien une qui marchera." Bruno Salgues cite à ce propos Jean-Yves Gouiffès, directeur Réseaux chez France Télécom, qui a quasiment fait l’énoncé de tous les moyens d’accès Internet haut débit. Jusqu’à la fibre optique ! Incroyable, non ?
Ca chauffe dans le dégroupage
Autre point fort de la journée, le conflit sur le dégroupage. Cette fois-ci, ça a chauffé un peu. Serge Tchuruk a commencé par indiquer que le dégroupage n’avait "pas encore produit l’effet escompté". Jean-Yves Gouiffès a enchaîné en expliquant que France Télécom produisait des efforts incomparables : "Nous sommes le seul pays où les concurrents accèdent au dégroupage total de la paire de cuivre, avec quatre moyens d’entrée dans la maison haut débit en France ! C’est paradoxal : les concurrents ont tellement de choix que ça les freine."
Des propos qui font à moitié rire Alain Tassy, directeur des opérations pour le Sud-Est de l’Europe chez WorldCom, opérateur haut débit B2B : "France Télécom vous invite au restaurant : il vous donne le choix entre la Tour d’Argent, Robuchon, Daguin, mais c’est vous qui payez l’addition !" Cet opérationnel de WorldCom s’est penché sur le problème du dégroupage pour les besoins des entreprises lors de son allocution : "Pourquoi, depuis deux ans, les opérateurs mentent-ils aux consommateurs et aux régulateurs en disant que le DSL va résoudre les problèmes du haut débit ? Aujourd’hui, les liaisons louées (dont ont besoin les entreprises, NDLR) restent indisponibles. On rencontre quatre problèmes majeurs dans le haut débit en Europe, et cela malgré les efforts des régulateurs : les opérateurs qui dégroupent pratiquent des prix trop élevés, surtout en France et en Espagne. Or les délais de production sont trop longs, les opérateurs ne s’engagent pas sur la qualité de service, il y a des difficultés administratives quand on veut câbler ses locaux en fibre optique."
L’orateur a été applaudi. On lui doit aussi cette remarque réjouissante dans un congrès plutôt sage, où les auditeurs boivent en général comme du petit lait les propos compassés de leurs directions : "Pourquoi en Europe appelle-t-on ‘haut débit’ un réseau de 128 kilobits par seconde ? Aux Etats-Unis, le haut débit commence au-dessus de 1,5 mégabits !"