La justice californienne épingle une agence de placement pour programmeurs immigrés. Motif : ses contrats sont abusifs. Cette décision, relatée par le quotidien en ligne CNet, constitue une première dans le monde des nouvelles technologies.
Dipen Joshi, aujourd’hui âgé de 33 ans, est un programmeur de nationalité indienne, raconte le quotidien en ligne CNet. À l’instar de 500 000 immigrés – pour la plupart informaticiens Indiens, Taiwanais ou Russes –, il a bénéficié d’un visa H1B pour venir travailler dans une entreprise américaine de haute technologie. Première surprise, à son arrivée aux ...tats-Unis, en mars 1998 : il découvre que l’entreprise qui lui a permis d’obtenir son précieux sésame "n’est qu’une" agence de placement, Compubahn. Ses succursales californiennes interviennent, il est vrai, sur le marché porteur des programmeurs et autres cerveaux des nouvelles technologies.
Note de frais en cadeau de départ
Deuxième surprise, Compubahn demande à Dipen Joshi de signer un contrat le liant à elle pendant 18 mois. Si Dipen venait à rompre le pacte, il devrait rembourser d’importantes sommes, correspondant aux frais d’expatriation et d’installation engagés pour lui par Compubahn. Quelques mois passent. En septembre 1998, Compubahn place Dipen en mission chez Oracle, à Redwood Shores (Californie). En juin 1999, Oracle lui propose un poste à temps plein. Fort – c’est du moins ce qu’il pense – du soutien de ses supérieurs de Compubahn, Dipen accepte. Le programmeur reçoit bien un courrier de l’agence. Mais, en fait de félicitations, Compubahn exige de lui un remboursement de plus de 77000 dollars (environ 600000 francs). Le programmeur se voit en fait réclamer les frais engagés par Compubahn pour lui trouver des missions. S’ajoutent à cette somme une pénalité pour avoir signé un contrat avec un client de Compubahn, ainsi que quelques extras.
Prisonnier de son contrat
En fait, le contrat signé par Dipen Joshi comportait des clauses pour le moins abusives. Outre jurer fidélité à l’agence de placement pendant un minimum de 18 mois, il s’était engagé à ne pas chercher de travail auprès d’une entreprise cliente de Compubahn pendant les 12 mois suivant sa dernière mission au sein de l’agence. Le fait même d’assister à un entretien d’embauche auprès d’une telle entreprise, disait le contrat, constituerait une entorse à cette règle... Et donnerait lieu à de lourdes sanctions financières, d’un montant minimum de 25 000 dollars. Après plusieurs mois de procédure, Dipen Joshi vient, indirectement, d’obtenir gain de cause. Les juges ne se sont pas prononcés sur le fond. Mais la justice californienne a rejeté – pour vice de forme – un appel de l’entreprise Compubahn, contestant le caractère abusif de ses contrats. Surtout, le procureur Michael Papuc estime que les juges qui seraient confrontés à de tels cas pourront désormais s’appuyer sur les éléments du "dossier Joshi". Ce dernier pourrait donc bien, de fait, faire jurisprudence. Compubahn, quant à elle, n’en restera probablement pas là. "Toutes les agences de placement travaillent avec ce type de clause. Ce sont même ces clauses qui les font vivre. Si nous devons aller devant la Cour d’appel et la Cour suprême nous le ferons", martelait, en avril dernier, Navneet Chugh, le représentant de Compubahn.