Une éclaircie pour Napster ? Le fonds d’investissement Hummer Wimblad vient en tout cas d’aider la société éditrice du désormais célèbre logiciel d’échange de fichiers MP3 à boucler un tour de table de 15 millions de dollars. Hank Barry, un associé de Hummer Wimblad, devient d’ailleurs le nouveau PDG de la société en remplacement d’Eileen Richardson, à l’occasion d’une prise de contrôle du conseil d’administration par les investisseurs.
Deux sérieux problèmes persistent pourtant : attaqué par la RIAA, la (Recording Industry Association of America) qui lui réclame 100 000 dollars par violation de copyright - soit plus de 100 millions de dollars -, Napster est aussi harcelé par Metallica. Le groupe de heavy metal a, par deux fois, sommé la société de bannir de ses serveurs plus de 300 000 internautes ayant téléchargé leurs chansons (voir l’interview d’une utilisatrice). Une tentative de médiation est venue du Progressive Policy Institute. Ce cercle de réflexion proche du Parti démocrate propose de modifier le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) et de contraindre les serveurs comme Napster à enregistrer les coordonnées de leurs utilisateurs. Ce qui les autoriserait à arguer de leur bonne foi (http://www.dlcppi.org/press/release/napster1.htm).
Face à ces attaques, le soutien à Napster s’organise : un site baptisé savenapster.net a été ouvert pour que les défenseurs du logiciel puissent se faire entendre. Napster, lui, invite les internautes à contester les radiations par écrit, ce qui obligerait Metallica, en vertu du DMCA, à initier des procédures vis-à-vis de tous les plaignants - faute de quoi ils seraient réintégrables après une période de dix jours.
Mais il n’est pas certain que la nouvelle direction de Napster ait envie de mener longtemps la bagarre contre la puissante industrie du disque. L’éditeur de logiciel souhaiterait actuellement trouver des arrangements entre les fans de la musique libre et les défenseurs du droit d’auteur. "Nous souhaitons mettre tout le monde d’accord : les artistes, les éditeurs, les labels et les utilisateurs", a ainsi déclaré Hank Barry, cité par Wired. Cette recherche du consensus, qui seule permettra à Napster de survivre, s’annonce laborieuse. D’autant que des versions open source de Napster continuent de circuler sur la Toile, et que d’autres programmes de téléchargement de fichiers sonores ou vidéo, comme Freenet ou Gnutella, se propagent à grande vitesse. Leur avantage ? Ils utilisent l’interconnexion des ordinateurs sans passer par un serveur, ce qui rend quasiment impossible l’identification des échanges de fichiers. Décidément, Napster a intérêt à négocier.
Shauna Sanders est utilisatrice de Napster. Enseignante de 38 ans, elle donne des cours d’art du langage au collège de Dover, dans l’Arkansas. Un lundi matin, en se connectant sur Napster, elle a appris qu’elle faisait partie des 300 000 pirates poursuivis par Metallica et qu’elle venait d’être bannie du serveur MP3. Grosse surprise...
)transfert :Napster vous a radié de ses utilisateurs. Que s’est-il passé ?
Shauna Sanders : Il y a quelques mois, j’ai téléchargé Napster sur mon ordinateur dans ma salle de classe. Cela me permettait de faire écouter une grande variété de musiques à mes élèves. J’ai téléchargé des morceaux de Metallica à la demande de mes élèves. Et quand je suis revenue en cours et que j’ai essayé de lancer Napster sur l’ordinateur de l’école, dans la semaine du 8 mai, j’ai reçu un message m’informant que mon pseudo était exclu à la demande du groupe de heavy metal. Il y avait aussi un lien renvoyant vers une page d’explications résumant la situation. J’ai désinstallé Napster, et puis j’ai essayé d’installer la version mise à jour. J’ai alors essayé de me réinscrire sous une nouvelle identité. Là, j’ai compris qu’ils avaient tracé les adresses IP, parce que même avec ma nouvelle identité, le serveur me renvoyait un message d’erreur.
Comment réagissez-vous à cette sanction ?
Je suis assez partagée. Je comprends le but des lois de copyright et leur importance. Cependant, Metallica va un peu loin en imaginant que tous les utilisateurs de Napster gravent leurs propres CD, les privant ainsi de bénéfices. Cette procédure ressemble à un coup de pub. Ce qui m’inquiète le plus, c’est que Metallica ait pu avoir accès aux fichiers de Napster au point de traquer les utilisateurs jusqu’à leurs ordinateurs personnels en suivant leur adresse IP. Cette méthode pose la question de la protection de la vie privée. Ça ne me rassure pas de savoir que quelqu’un peut ainsi avoir aussi facilement accès à mon ordinateur et modifier des fichiers ou des réglages.
Vous vous sentez coupable ?
Au début, c’est vrai que j’ai hésité avant d’utiliser Napster. Mais je ne me suis pas inquiétée car je voulais simplement écouter les chansons comme je l’aurais fait à la radio. Je n’avais absolument pas l’intention de graver des CD, de tirer avantage de la musique que j’avais téléchargée, ni de l’utiliser dans un contexte pédagogique.
Et vos élèves ?
Ils pensent que ce procès "craint". Ils trouvent que c’est injuste et excessif et que les ordinateurs mettent en danger leur vie privée. Pour la plupart, le téléchargement de chansons de Metallica ne change rien à leur consommation de CD. S’ils aiment vraiment la musique d’un groupe, ils achèteront le disque, qu’ils aient téléchargé des morceaux ou non. D’un autre côté, ils comprennent que les artistes aient le droit de contrôler l’utilisation de leur travail. Mais la plupart d’entre eux considèrent tout de même que la chanson, la poésie, et d’autres formes d’art sont faites pour être partagées par le plus grand nombre. Beaucoup de mes élèves semblent penser que Metallica est plus intéressé par l’argent que par ses fans. Du coup, le groupe leur semble moins accessible, et plus intégré dans le moule d’une société fondée sur la notion de profit.