En débarquant à la rédaction de Transfert, Vincent Plousey ne peut s’empêcher d’aller voir le commutateur téléphonique et de donner quelques conseils pour en améliorer la sécurité. Pas très grand, le regard fureteur et brillant, bien élevé, l’homme n’a rien d’un flambeur. Il semble autant choqué par ce dont on l’accuse que par les conditions de détention en prison.
Quel est votre parcours ?
J’ai arrêté des études normales en CM2 pour aller dans un centre spécialisé de la DASS pour enfants en difficultés scolaires et familiales. J’ai obtenu un CAP d’horticulture. Après avoir été jardinier, je suis devenu technicien de maintenance dans un centre télécom. Autodidacte, j’ai créé mon premier e-zine sur les télécoms et la radio en 1995, avant de monter le Chaos Radio Club de France. C’était un pied de nez au Chaos Computer Club de France, un groupe monté et manipulé par un hacker qui avait été retourné par la DST. Mais j’ai quitté la scène en 1998 à cause des guéguerres entre groupes. J’étais aussi dégoûté par les mecs qui disent défendre la liberté d’expression, mais veulent surtout bosser dans la sécurité informatique, et donc plus ou moins avec l’armée.
Ça fait quoi d’être arrêté par la DST ?
Le 18 avril, vers 9 heures, je partais travailler quand sept policiers en civil, armes au poing, m’ont braqué devant certains de mes voisins. J’ai été emmené au siège de la DST, puis à la section anti-terroriste hyper-sécurisée du tribunal de grande instance. Je ne réalisais pas trop ce qui m’arrivait, d’autant que je ne faisais plus rien depuis deux ans. J’en ai pris plein la gueule pendant l’interrogatoire où j’ai eu droit à une grosse leçon de morale, j’étais mort de trouille. Je me disais : il doit y avoir une erreur. Au dépôt du tribunal, tu n’es plus un être humain, tout est fait pour t’humilier. Tu n’as rien à bouffer et tu ne peux pas boire : ils pissent dans l’évier... C’est un peu mieux à la Santé, mais c’est quand même la misère !
Quelles leçons tirez-vous de cette inculpation ?
Je pense avoir servi d’exemple. Ça peut effrayer pas mal de monde. À mon avis, ils savaient que j’écrirai un truc pour prévenir les autres et les inciter à ne pas faire de conneries. Par contre, ils ont aussi fait de moi un martyr, ce que je ne suis pas : n’importe qui aurait pu le faire. J’ai été très naïf et immature. Mais je ne regrette pas d’avoir informé les autres sur le fonctionnement des réseaux et combien il est facile, par recoupement, d’accéder aux informations. Ce que j’ai fait c’est de l’open-source, de la veille techno dans le domaine technico-militaire. J’ai d’ailleurs dit au juge que j’avais fait un boulot de journaliste d’investigation. La seule source non disponible en librairie dont je me suis servi, c’est un manuel de la police nationale que m’avait remis quelqu’un lors d’un meeting de 2600 au Mac Donald’s de la place d’Italie (lieu "traditionnel" de rendez-vous des apprentis hackers français, NDLR). Mon affaire est banale, mais la punition est trop forte : j’ai fait ça pour le fun et par curiosité. Cela dit, si les sanctions sont aussi lourdes, c’est que j’avais trop ouvert ma gueule. Question liberté d’expression, on est en France, et pas aux ...tats-Unis où certains magazines publient ces mêmes fréquences et où le premier amendement de la Constitution garantit la liberté d’expression.