Alors que les rumeurs de démantèlement font chuter lamentablement le cours de l’action Microsoft, Steve Ballmer appelle ses employés à la mobilisation en les appâtant avec un plan de stock-options jamais vu.
Bill sait être généreux quand les circonstances l’imposent : les salariés de Microsoft étant confortablement servis en stock-options, leur moral a tendance à suivre le cours de la Bourse. Et avec une action dont la valeur a quasiment été divisée par deux, il n’est pas au plus fort depuis quelque temps : leurs stocks ne valent, de fait, plus rien... La réaction, annoncée hier, a été à la hauteur de la crise : le plus grand plan de distribution de stocks jamais accordé par Microsoft. Soixante-dix millions d’actions pour une valeur totale d’environ 1,9 milliard de dollars, distribuées au cours le plus bas possible. Si Microsoft redresse la tête, la fortune (et donc le moral) de ses cadres devrait faire de même. Et il y a urgence : dans un message électronique (1) envoyé mardi aux 34 000 employés du groupe, le président, Steve Ballmer, a de nouveau contesté les attaques contre la firme. Il appelle le personnel à la mobilisation afin de dissuader les ingénieurs et les commerciaux d’écouter les sirènes des autres compagnies.
Rumeur de démantèlement
La situation n’est pourtant pas facile. Lundi, Wall Street avait de nouveau flanché sous le coup de la rumeur. Et pas n’importe laquelle : le ministère de la Justice américain et les 19 ...tats participants au procès contre Microsoft seraient d’accord pour demander un démantèlement de la société en deux, voire en trois entités distinctes... La proposition de sanction pourrait être faite, dès cette semaine, au juge Jackson. Charge à lui de savoir s’il suit ou non cette proposition.
L’effet d’annonce passé, observons les faits :
1. Ce n’est qu’une proposition. Le juge peut ne pas la suivre. De plus, certains des ...tats ne s’en satisfont pas : ils veulent davantage...
2. Microsoft a fait appel et peut encore gagner en appel.
3. Même si Microsoft perd en appel, il lui reste la possibilité d’aller devant la cour suprême.
En temps normal, ces procédures prennent des années. Il est possible que, dans le cas Microsoft, les procédures s’accélèrent pour permettre une condamnation en phase avec les fautes commises : à quoi sert de punir un abus qui concerne les systèmes d’exploitation, si, par exemple, ils ne représentent plus qu’une partie infime de l’activité de la firme d’ici 7 ou 8 ans ?
Une sanction symbole politiquement utile
Car n’oublions pas que, pour beaucoup d’...tats, le plus important est de faire condamner Microsoft, pas forcément de voir la condamnation devenir effective. En effet, les élections américaines de novembre prochain concernent la plupart des postes politiques du pays. Dont ceux de gouverneurs et de procureurs. Pour les responsables en poste, faire condamner l’épouvantail Microsoft est un bon résultat électoralement parlant. Et il faut que cette condamnation arrive suffisamment vite pour pouvoir l’exploiter dans la campagne...
Reste à savoir si ces mêmes élus souhaitent que la décision soit appliquée avant l’élection. Si oui, il faudra qu’ils se mettent d’accord avec Microsoft qui a les moyens juridiques et financiers de faire traîner l’ensemble pendant longtemps : la seule condamnation applicable rapidement est celle contre laquelle Bill Gates ne fait pas appel. Si cela n’est pas important, il faut que cela soit le plus spectaculaire possible. Et un démantèlement, cela sonne bien dans les médias. Même s’il n’a pas lieu avant des années. Même s’il n’a jamais lieu...
Krach boursier
Il y a un dernier point : la réaction des marchés. Comment va réagir la Bourse si le démantèlement est prononcé ? Le juge Jackson comme le ministère de la Justice ne peuvent pas mettre de côté cet aspect du problème. Si une telle décision doit provoquer un krach boursier (Wall Street est nerveux actuellement), oseront-ils en prendre la responsabilité ?
L’affaire Microsoft n’est pas terminée. Loin de là. Elle va encore nous occuper pendant longtemps. Microsoft est un monstre de l’industrie la plus influente et la plus porteuse de croissance. Toute sanction contre lui, même décidée le plus légalement possible, pose des problèmes qui dépassent largement cette seule entreprise. Il ne faut surtout pas l’oublier.
(1) "Cette société ne sera pas démantelée" a-t-il notamment écrit. "Qu’importe ce qu’écrivent les gros titres des journaux, absolument rien dans ce dossier ne justifie qu’on nous casse en morceaux." Et même si le juge accepte la proposition de démantèlement, Steve Ballmer s’affirme très confiant dans l’issue de l’appel. Dans le même message, il annonçait le nouveau plan de stock-options...