L’époque est bizarre. Le petit milieu de la netéconomie bruisse de rumeurs. Qui va bien ? Qui va mal ? Comme s’il n’avait rien d’autre à faire que de s’occuper de la santé des voisins.
Ne cachons pas la vérité : la situation est difficile dans beaucoup d’entreprises de l’Internet. Elles ont, il y a six mois ou un an, levé des fortunes en espérant que le marché arrive vite. Pour certaines, la réussite a été rapide. Pour d’autres, le marché est soit en retard, soit carrément absent. Et le cash va bientôt manquer. Les trois prochains mois seront sans doute terribles dans le petit monde des start-ups. Les annonces de rachat vont succéder à celles de dépôt de bilan. Si les statistiques sont exactes, les deux tiers des entreprises devraient disparaître. Le pourcentage vous effraie ? Il est le même dans l’économie traditionnelle.
Alors ne sourions pas devant les difficultés de certaines jeunes entreprises. Pour les salariés de ces sociétés, cela pourraît être la fin d’un rêve. Pas facile à vivre. Pour leurs fournisseurs, la fin d’une source de revenu. Pas facile à gérer. Pour leurs clients, la fin d’une expérience. Toujours compliqué : oseront-ils, ensuite, reprendre un risque ?
Les problèmes des start-ups ne sont, pourtant, que le reflet de l’aveuglement de certains capitaux risqueurs. Ceux qui ont mis de l’argent dans des projets sans réel avenir, avec simplement Internet écrit en grand. Ils ont cru que c’était le livret A au taux de 400% par an. Ils ont découvert que c’était plutôt Las Vegas : tout le monde peut jouer, mais il y a peu de gagnants. L’argent perdu ? Aucune importance. Dans capital-risque, il y a risque. Tout le monde le savait. Mais les hommes et les femmes qui se sont impliqués à 200% sont plus fragiles que des billets de banques. L’échec, même s’il était prévisible, est toujours vécu dans la douleur.
Mais pas d’alarmisme : les investisseurs sérieux, eux, sont toujours là. Les projets ambitieux (s’appuyant sur de véritables marchés émergents) aussi. Pour ceux là, qu’importe que les prochaines années soient, encore, déficitaires. Nous sommes toujours, ou presque, à l’an 1 de l’Internet. Si les projets sont bons, les équipes solides, les produits attractifs, tout le monde peut attendre les quelques années nécessaires pour que le marché se développe. Yahoo ! ou Cisco ne se sont pas faits en un jour.
En attendant, les rumeurs continuent. Elles s’enflent. Roulent. Circulent d’email en email, de discussion de machine à café en commentaire de comptoir. Et on a envie de dire à toutes les entreprises en difficulté : "Tenez bon. Rien que pour voir la tête de vos détracteurs quand vous aurez surmonté la mauvaise passe". Vrai. Faîtes nous plaisir : Tenez bon.