Une étude de consultants spécialisés dans la e-musique prédit l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché de la musique numérique - et fait peu de cas de Napster.
"Digital Music Aggregator" : retenez ce nom. Le cabinet de consultants américain Webnoize prophétise, dans une étude parue en février, l’avènement prochain des "agrégateurs de musique numérique". "Une nouvelle génération de modèles d’abonnement va résoudre les problèmes de la musique numérique. Les DMAs vont combiner l’écheveau confus de produits en une expérience musicale unique. Le contenu sera livré à partir d’un serveur central, et rendu rentable par des réductions drastiques des coûts de livraison. Comme les consommateurs montrent une grande disposition à payer pour des services de musique numérique, les revenus vont s’accroître rapidement pour faire des DMAs un business important et lucratif."
Le peer-to-peer n’a pas gagné
Premier constat : le modèle Napster, que même l’industrie musicale considère à présent comme l’avenir, n’est pas au cœur du sujet. D’ailleurs, dans une autre étude, Webnoize mentionne les défauts qui entravent à son sens la transformation des logiciels de partage de fichier ("peer-to-peer") en logiciels commerciaux. Primo, la qualité de service n’est pas assurée, parce que tout le monde n’a pas une connexion à haut débit, et parce qu’on n’est jamais à l’abri d’une déconnexion inopinée alors qu’on télécharge un fichier. Secundo, chacune des majors développe son propre standard de sécurisation des fichiers musicaux, noue ses partenariats dans son coin. Cela repousse la perspective d’un accord avec l’ensemble de l’industrie des contenus, étape nécessaire pour qu’un logiciel de peer-to-peer puisse fournir un catalogue musical complet.
Hypermarchés de la e-musique
À contrario, les DMAs offriront une meilleure qualité de service grâce à leur serveur central, et à leur capacité à répondre rapidement à toute augmentation de la consommation par de nouvelles infrastructures. Mais cela implique une vraie puissance financière : "L’émission centralisée d’un volume de chansons équivalent à ce qui s’échange sur Napster aboutirait à une impressionnante facture annuelle de 299 millions de dollars rien qu’en bande passante." L’autre avantage des DMAs, c’est la possibilité de tout trouver sur un seul site. En effet, "les consommateurs ne sont pas prêts à payer pour la musique numérique si l’achat en ligne reste aussi dévoreur de temps". Les catalogues sont éclatés entre différents sites, les radios internet jouent leur pièce en solo, sans parler des sites "communautaires" de chat et des sites "de découverte" où l’on peut obtenir des recommandations personnalisées sur de nouveaux titres d’albums. Les DMAs devront rassembler tout cela sous un même toit, en plus de sécuriser les fichiers et de reverser les droits d’auteur.
Trois milliards de dollars en 2003
Webnoize s’aventure à calculer les revenus annuels des DMAs d’ici à 2003 - c’est dire si l’avènement de ces services est proche ! "Les jeunes consommateurs veulent bien payer le même montant pour la musique numérique que ce qu’ils paient déjà pour leur fournisseur d’accès à Internet. Près de 45 % des étudiants en collège acceptent de payer 20 dollars par mois pour un accès illimité à la musique numérique, valorisant le seul marché du collège à 1 million de dollars par an." Si l’on considère qu’un million de personnes accèdent déjà à Napster sur leur ordinateur de bureau, et que cela fait un gisement supplémentaire de clients pour les DMAs, Webnoize estime que les revenus des agrégateurs atteindront 2,8 milliards de dollars annuels dans deux ans, avec 12 millions d’abonnés.
En lice
Mais qui se positionne pour le pactole ? Webnoize effleure le sujet, et reste exclusivement américain dans les noms cités. Il faudra des alliances pour établir des services d’une telle portée. Best Buy, chaîne de vente au détail de CD, ou le distributeur WalMart, pourraient chacun être le pivot "ancienne économie" d’un DMA. Mais ils auront besoin à leur côté d’un partenaire "netéconomie" comme Emusic ou MP3.com, et de prestataires techniques (un grand portail tel AOL ou Yahoo ; un développeur de logiciels de recommandation comme Mubu ou MoodLogic). L’étude ne précise pas si des DMAs européens sont au programme, et ne fait aucune allusion aux alliances qui existent déjà comme Vivendi Universal/Sony au sein de Duet... Et elle ne garantit pas que les acteurs de l’industrie musicale seront capables d’oublier les querelles pour construire quelque chose ensemble.
Les études Webnoize sont payantes, disponibles au format PDF sur le site de l’entreprise :
Janvier 2001, Peer-to-peer Networking. Monetizing P2P Networks
Hiver 2001, New Subscription Models. Solving the Digital Music Puzzle