Noël 1999, premier Noël de l’Internet marchand, fut un véritable fiasco pour les sites américains. Commandes en retard, stock indisponible, saturation des serveurs. Un an après, ils ont apparemment retenu la leçon.
Un sapin de Noël, une crèche, mais aucun cadeau aux alentours. Un enfant américain sur vingt a vécu cette situation l’année dernière. La faute à Toy’s R Us. Le géant du jouet était dans ses petits souliers le 10 décembre 1999 quand il a fallu annoncer que les commandes passées sur le Net ne pourraient être honorées avant le 24 décembre. En cause, une logistique insuffisante. "On était alors en pleine période d’euphorie. Les sites faisaient la course aux clients. Ils essayaient de les attirer avec beaucoup de dollars, de technologie et de larges assortiments de produits. Ils ne s’étaient pas rendu compte qu’Internet, ce n’est pas du marketing, mais de la distribution", analyse Flore Vasseur, fondatrice de TrendSpotting, société de veille et de conseil en stratégie internet, installée à New-York. 53% des consommateurs ont alors souffert de problèmes de livraison et moins de 30% se sont déclarés satisfaits de la qualité du service, selon une étude de Jupiter. Gueule de bois pour nouveau siècle.
Effort de rationalisation
La Federal Trade Commission (FTC) a infligé une amende de 1,5 million de dollars à sept sites (Toy’s R Us, Cdnow, Macy’s,..), car ils n’avaient pas prévenu leurs clients de ce retard. La sanction de Wall Street fut elle aussi immédiate, notamment pour eBay, Amazon ou encore Etoys. "Mais ce Noël va beaucoup mieux se passer", assure Flore Vasseur. Dès le printemps, les sites ont mis en place des systèmes de prévision de ventes. Et ont investi massivement dans leurs infrastructures logistiques. Selon une enquête de Jupiter, 46% des sociétés ont accru leurs équipes chargées de la gestion des commandes et 37% ont augmenté leurs capacités de distribution. Etoys a voulu éviter le fiasco de 1999 où un million de cadeaux avaient été livrés le 26 décembre. Le site de jouets a donc créé son propre système de distribution, en faisant construire des entrepôts sur les côtes est et ouest. "Un vrai effort de rationalisation a été effectué", précise la consultante. Pour preuve, l’alliance entre des marchands réels et virtuels afin de partager leur savoir-faire. Suite à la douche froide de Noël, Toy’s R Us a signé, au mois d’août, un contrat de coexploitation avec Amazon, afin de profiter de son expérience d’e-logisticien. L’objectif premier est devenu la rentabilité. L’an passé, chaque nouveau client coûtait 82 dollars aux e-marchands, contre 12 dollars aux spécialistes de la vente par correspondance. Aujourd’hui, fini les dépenses marketing, les gadgets visuels qui alourdissent les pages et provoquent l’abandon du processus d’achat et les énormes catalogues de produits ingérables. "Les sites sont moins nombreux, mais plus solides. Ils ont vraiment intégré la problématique du service", constate la responsable de Trendspotting. Mais la FTC reste attentive : elle vient d’envoyer un avertissement à 100 sites marchands, leur recommandant de livrer ce qu’ils ont promis. Ceux-ci n’ont donc guère le choix, mais sont déjà conscients qu’ils jouent leurs dernières cartouches, à l’occasion de ce Noël.
En attendant le rush
Les web-marchands peuvent cependant compter sur des clients fidèles. Malgré les déceptions passées, 95% de ceux qui ont acheté à Noël 1999 vont procéder à de nouveaux achats en ligne, et 50% d’entre eux affirment même qu’ils vont acheter plus, selon une étude de NPD group. Pas rancuniers, mais aussi plus nombreux. Les Américains sont 48 millions à fréquenter le réseau, contre 33 millions l’an passé. Une seule inquiétude noircit le tableau depuis quelques jours : le pic de fréquentation observé l’an passé en novembre se fait toujours attendre, selon la dernière étude du groupe Nielsen. Par exemple, les sites de vente d’électronique grand public, qui avaient connu une fréquentation en hausse de 56% l’an dernier, se contentent aujourd’hui d’une hausse de 16%. Plus inquiétant, la catégorie des jouets qui progressait de 47% à l’époque et qui ne connaît, en ce moment, aucune augmentation de trafic. Selon certains analystes, cette torpeur de la consommation s’expliquerait par les élections présidentielles...