Les opérateurs privés de télécoms viennent de demander à l’Autorité de Télécommunications de prendre de sévères sanctions contre France Télécom qui les empêche de lancer des offres Internet haut débit (ADSL).
Les opérateurs télécoms tirent la sonnette d’alarme. "Marre des entraves et manœuvres de retardement de France Télécom sur la question du dégroupage", disent-ils. Les associations des opérateurs privés en télécommunications et de services de télécommunications (AFOPT et AOST) demandent, donc, à l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) de sévir contre l’opérateur historique. Plus question de mise en demeure, ils veulent passer à la vitesse supérieure. Des sanctions financières sont demandées (pouvant aller jusqu’à 3 % du chiffre d’affaire, selon les textes), ainsi que la saisine du Conseil de la concurrence. "France Télécom agit avec un sentiment d’impunité qu’il faut arrêter et sanctionner", martèle Richard Lalande, président de l’AFOPT et directeur général adjoint de Cegetel. Depuis le 1er janvier 2001, le dégroupage existe en effet juridiquement. Mais l’accès à la boucle locale est encore loin, très loin, d’être opérationnel. L’AFOPT ne veut même plus donner de date. Or, ces fils de cuivre sont précieux pour les opérateurs, car ils leur permettront d’offrir différents services, notamment l’Internet haut débit (ADSL). Selon les opérateurs, France Télécom ne respecte pas la réglementation européenne qui l’oblige à s’ouvrir à la concurrence. Ils pourraient donc porter plainte auprès des autorités communautaires. "Mais les affaires y sont traitées, en moyenne, en plus de trois ans. On sera tous morts d’ici là", lance François Vivier, administrateur de l’AOST.
Confusion des genres
"Notre but n’est pas de gagner devant les tribunaux, mais de faire notre métier", ajoute Richard Lalande. Et aujourd’hui, exemples à l’appui, les opérateurs affirment être dans l’impossibilité de le faire. Tout d’abord, parce que les prix pratiqués par France Télécom sont prohibitifs. Une ligne dégroupée est vendue 95 francs (hors taxe) à un opérateur, alors qu’elle est vendue 69 francs (hors taxe) au consommateur. "Il n’y a qu’un marché où le prix de gros est supérieur au prix de détail, ce sont les télécoms", s’indigne Olivier Huard de Cegetel. Ces deux tarifs ne sont pas comparables pour France Télécom. "Ils entretiennent la confusion des genres. Le prix public est le résultat d’un habillage marketing. Et tout le monde, dans le secteur de l’Internet, vend à perte", explique Patrick Thielemans, porte-parole de France Télécom.
Mais l’offre de référence de France Télécom recèle bien d’autres "perles". On y apprend qu’en cas de déménagement, la ligne dégroupée d’un abonné revient automatiquement à France Télécom, même si l’opérateur l’a payée. De même, un opérateur peut être chassé de la "salle de dégroupage", qu’il aura payé entre 0,9 et 1,5 millions de francs, si France Télécom, pour ses propres besoins, vient à manquer d’espace ! Enfin, un opérateur n’a pas le droit de demander le dégroupage de plus de 50 lignes par jour, alors que France Télécom dégroupe 800 lignes par jour. "C’est la constitution d’un véritable monopole", lâche François Vivier. "Nous souhaiterions baisser nos prix sur l’ADSL. Nous avons donc tout intérêt à ce que la concurrence arrive, mais vous n’allez pas nous demander de la subventionner", rétorque Patrick Thielemans, son porte-parole. Pour l’opérateur historique, ce retard est, de toutes façons, imputable... aux seuls opérateurs. "Ils ont les informations nécessaires pour se déterminer. Plus ils chicanent, plus ils retardent", conclue Patrick Thielemans. Aujourd’hui, les deux parties campent sur leurs positions et se renvoient la balle. Et les perdants restent les internautes.