Christophe Dupont et Christian Conti, respectivement président et directeur général du site communautaire Respublica, propriété de Liberty Surf (groupe Tiscali), quittent l’entreprise qu’ils ont fondée Les salariés, eux, devront choisir entre Bordeaux, Paris ou la porte. Interview de Christophe Dupont.
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Votre départ était-il programmé de longue date ?
Disons qu’il était prévu. Les changements récents de managers et d’actionnaires au sein de Liberty Surf ont un peu accéléré les choses.
Qu’est-ce qui, selon vous, a changé au sein de Liberty Surf ?
Tout d’abord, nous nous sommes associés avec Pierre Besnainou au début du projet. Nous avons vécu la création et l’introduction en Bourse de Liberty Surf. Mais les gens avec qui nous avions choisi de travailler sont aujourd’hui partis. Il est compréhensible que nous ayons, nous aussi, envie de partir.
Ensuite, la stratégie de Liberty Surf a clairement changé. Au départ, elle consistait à investir tout en visant l’équilibre pour le deuxième semestre 2002. Désormais, c’est une stratégie comptable qui prévaut, et se résume à ces mots : "Ebitda [résultat brut d’exploitation] positif à la fin 2001". Cette logique industrielle et comptable de constitution d’un groupe remet en cause pas mal d’investissements. Cela ne me convient pas. Je n’ai pas ces compétences-là, qui n’ont rien à voir avec la création d’entreprise. En même temps, je ne juge pas. Ce n’est pas mon argent, je ne suis qu’un petit actionnaire. Nous sommes dans un système capitaliste, où les actionnaires, en l’occurrence Tiscali, décident à chaque instant ce qu’ils veulent pour leur argent. Après tout, Renato Soru est peut-être là lui aussi pour faire un coup et revendre son entreprise avec plus-value.
Votre déception n’était-elle pas inévitable dès lors que vous acceptiez de vous adosser à un groupe tel que Liberty Surf ?
Dès lors que l’on laisse entrer un gros actionnaire dans une société, on sait à quoi l’on s’expose. Nous restons fiers de ce que nous avons fait, nous sommes en tête des classements d’audience dans notre catégorie, alors que nous sommes partis plus tard que nos concurrents.
Que deviennent les salariés de Respublica ?
À terme, les locaux de Mougins (Alpes-Maritimes) seront fermés. Les salariés seront reclassés à Paris, siège de Liberty Surf Télécom, ou à Bordeaux, dans les locaux de Liberty Contact, le service clients. Ceux qui ne souhaitent pas quitter le Sud seront licenciés mais pourront bénéficier d’aides à la création d’entreprise.
Au final, n’êtes-vous pas déçu par l’expérience Respublica ?
Nous avons vécu des choses intéressantes, je ne vais donc pas cracher dans la soupe. La fin est tout de même moins intéressante que le début. Aujourd’hui, les gens qui décident de l’avenir d’Internet le font sur des tableaux Excel, parfois même sans avoir jamais cliqué sur le site en question. Si on regarde autour de nous, Mygale a été avalé par Multimania, elle-même absorbée par Lycos. Altern, qui voulait conserver son indépendance, n’existe plus. Quant à nous, entre ne pas exister et subir le marché, nous avons choisi le marché. Mais à terme il n’y avait sans doute pas d’autre solution qu’abandonner.
Votre expérience ne constitue-t-elle pas une remise en cause du mythe de la start-up et de la création d’entreprise innovante ?
En fait, nous sommes dans un modèle d’évolution. Seuls les gros survivent et l’excès d’argent a entraîné une spéculation qui a grillé tout le secteur de l’Internet. On voit aujourd’hui des gens s’emballer sur des concepts à deux francs. Du coup, on se surprend à faire des choses stupides parce que le marché réclame des choses stupides. C’est un des excès du système. Cela dit, le média Internet reste génial, et de nombreuses applications nouvelles continueront d’émerger.
Qu’allez-vous faire après votre départ ?
Là, il fait un peu trop chaud pour travailler. Je vais donc prendre deux mois de vacances.