L’enquête menée par le député (UDF) du Var Arthur Paecht, au nom de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, s’est heurtée à des fins de non recevoir des ...tats-Unis et de la Grande-Bretagne. Détails sur un rapport.
Depuis le mois de février dernier, Arthur Paecht, député (UDF) du Var a auditionné une trentaine de spécialistes des systèmes de surveillance. Le secteur public et le secteur privé, l’armée, les services de renseignement et de contre-espionnage, tout le monde y est passé. Des Français, des Américains, des Allemands. Avec un bémol, de taille : les autorités américaines et britanniques ont refusé de répondre à ses questions.
Echelon a servi au renseignement économique
Fort mécontent d’avoir été éconduit, le parlementaire épingle la fin de non recevoir américaine qui, décidée "semble-t-il , au plus haut niveau (...) a pour conséquence de relancer toutes les suspicions sur le rôle d’Echelon et des ...tats-Unis en particulier". Cette opinion critique s’appuie notamment sur les déclarations de James Woolsey, l’ancien directeur de la CIA. Ce dernier a en effet confirmé devant la commission ce qu’il avait déjà déclaré : Echelon a servi à des opérations de renseignement économique, pour lutter, entre autres, contre la corruption lors de la passation de certains marchés. Les Britanniques, seconds acteurs majeurs d’Echelon tout en étant membres de l’Union Européenne, justifient leur refus de coopération avec la commission pour une simple raison : le rapporteur "n’était même pas membre d’une délégation parlementaire chargée du contrôle des services de renseignement".
Du coup, Arthur Paecht, auteur d’un précédent rapport portant sur la création d’une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement, en fait donc des gorges chaudes : ce contrôle, il l’appelle lui-même de ses vœux. Et ce n’est pas Paul Quilès président de la Commission de la Défense Nationale et député (PS) qui le contredira. La France, rappelle le député du Tarn, est "le seul pays démocratique" à ne pas exercer de contrôle politique sur ses services secrets. Et d’insister pour que soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à la création d’une structure ad hoc.
Frenchelon au rapport
Les services secrets trançais nese sont pas trop fait tirer l’oreille pour collaborer. La commission a auditionné deux responsables de la DST (Direction de la surveillance du territoire), dont son directeur, ainsi que celui de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure). Le rapporteur, qui a également assisté à une présentation de recherches de l’armée dans le domaine des écoutes, confirme : "La France a bénéficié des savoir-faire acquis par les responsables d’Echelon. Des personnels auraient été formés aux ...tats-Unis, et l’architecture du réseau français a été inspirée de celle de ses alliés de l’Alliance Atlantique."
Est-ce à dire, pour autant, que Paris vaut Washington sur ce plan ? Le rapport de l’assemblée dresse un état des lieux mitigé : "La France dispose de réelles capacités d’écoute dont certaines sont enviées, les services français ne disposent pas de moyens suffisants pour avoir une panoplie complète et ils sont géographiquement orientés et limités. On ne saurait donc parler de Frenchelon’" (petit nom donné par les Anglo-saxons à l’équivalent français d’Echelon). Même diagnostic en ce qui concerne la force de frappe française en matière de cryptologie : si "la NSA (National Security Agency américaine -NDLR) peut faire appel à des dizaines d’experts en cryptologie, on ne peut vraiment compter que sur un seul interlocuteur en France, et la majorité des personnes rencontrées (veulent) légaliser l’obligation de remise en clair des messages chiffrés", lit-on dans le rapport de l’Assemblée. Mais cette mesure inscrite dans le très controversé RIP Act britannique (Lire Big Brother loge à Big Ben ) est fortement contestée par les défenseurs de la vie privée, ainsi que la communauté cryptographique, à cause des "dommages collatéraux" qu’elle ne peut qu’engendrer en matière de sécurité informatique.
Non, PGP n’est pas buggué
Comment distinguer la bonne info de l’intox lorsque, sur un tel sujet, on interroge les services de renseignement ? Ils "apprécient les discussions avec les parlementaires, notamment parce que leurs besoins budgétaires vont croissant", confiait ainsi Arthur Paecht à la lettre d’information spécialisée Le Monde du Renseignement. En début d’année, ce même organe rapportait la défiance de certains responsables allemands envers PGP, le plus connu et le plus utilisé, des logiciels de cryptage, suspecté d’être buggué par les Américains (voir PGP en Français). Le rapport parlementaire - qui recommande le développement d’une industrie française et européenne de la cryptographie - fait lui aussi, état de ces rumeurs. Or, à ce jour, aucun début de preuve en ce sens n’existe.