Du Fred Forest, la contagion en plus : à la Biennale de Venise, grand-messe de l’art moderne, un virus informatique élevé au rang d’œuvre est proposé à la vente.
Son nom : Bienale.py. Ses créateurs : Epidemic et 0100101110101101.org, deux structures déjà remarquées pour leurs "actions choquantes, souvent à la limite de la criminalité", c’est du moins ce qu’affirme le communiqué de presse. Cible de Bienale.py : la 49e biennale de Venise. Sa fonction : virus informatique. Au jour d’ouverture à la presse de la grande manifestation, le code source du virus a été rendu public, depuis l’enceinte du pavillon de Slovénie. Les principaux éditeurs de software anti-virus ont été avertis en temps utile des spécifications techniques de la créature. Les instructions permettant sa désinstallation sont fournies avec chacune de ses copies. "La création ex abrupto d’un virus, poursuit le communiqué, d’un virus libre et exempt de tout but ou de toute cible, est dans le pire des cas un test - un étalonnage des limites du Net. Mais dans le meilleur des cas, c’est une forme de contre-pouvoir global. Il s’oppose aux pouvoirs les plus importants, les soumets à un nouvel équilibre, les secoue, les rassemble. Une idée neuve, celle d’un "virus qui n’est pas simplement un virus" est en train de se faire accepter, accompagnée d’une autre : il s’agit d’une percée sociale au sein de la plus sociale de toutes les matières : le Net."
Pragmatisme artisitique
Que va-t-il se passer à Venise dans l’enceinte du pavillon de Slovénie, durant la grand-messe de l’art moderne ? Le public pourra lire le code source de bienale.py et s’offrir des T-shirts représentant celui-ci. Un ordinateur contaminé montrera le virus en action. Dans la meilleure tradition du pragmatisme post-warholien ("Art is business, business is art") le virus sera proposé à la vente à des "commissaires d’exposition, administrateurs de musées et collectionneurs intrépides. Acheter un virus informatique est sans doute l’un des investissements les plus excitants qui se puissent faire aujourd’hui." Intrépide ? Excitant ? Voire. Pour que la créature n’échappe pas à ses créateurs, toutes les précautions ont été prises : bienale.py ne peut prospérer que sous l’environnement informatique Python. Il est donc déconseillé aux utilisateurs de Python de lui ouvrir leurs circuits. Mais quand bien même un imprudent s’y risquerait, une page du site d’Epidemic lui expliquera comment rendre à ses fichiers leur état premier. Et que les auteurs aient jugé bon de décliner toute responsabilité face aux conséquences éventuelles d’une installation de leur créature est sans doute à mettre sur le compte du pragmatisme artistique évoqué plus haut...