Frédéric Couchet est président fondateur de l’APRIL (Association pour la promotion de la recherche et de l’informatique libre). Ardent défenseur des logiciels libres, il revient sur l’épopée Linux.
Que retenez-vous de cette décennie Linux ?
Certes, Linux a dix ans, mais le projet GNU et surtout la volonté de construire un projet libre remonte à 18 ans. Le logiciel libre n’est pas nouveau et ne peut être réduit à Linux, il fonctionne parce qu’il repose sur les principes de la recherche scientifique : publications des résultats et examen par les pairs. Ce que l’on peut retenir de cette décennie, c’est d’abord l’accès du logiciel libre au grand public. Notamment grâce à l’arrivée de distributions de plus en plus simples à installer. Ensuite, il y a eu une prise en compte du phénomène du logiciel libre par les entreprises.
Comment le logiciel libre a-t-il explosé en France ?
Il a principalement explosé par l’action de quelques bénévoles. Par exemple, les initiatives de René Cougnec, qui mettait sa machine renux en accès RTC, avec de nombreux logiciels libres accessibles, permettant ainsi à des gens non connectés à Internet d’installer et d’utiliser du logiciel libre. ...videmment, la démocratisation du réseau Internet a favorisé la diffusion des logiciels libres parce qu’ils ont servi à constituer l’architecture technique d’Internet. Démontrant ainsi leur puissance. L’Internet a également permis à un nombre croissant de personnes de prendre connaissance du libre et d’accéder à des sites de téléchargement. Les actions des LUGs (Libre software Users Groups) ont été importantes, notamment celles qui consistaient à monter des install party. Des installations de logiciels libres pour les particuliers ou des démonstrations publiques. Le travail des associations nationales (APRIL depuis 1996, AFUL depuis 1998) a été également fondamental, à la fois dans leur rôle de démocratisation auprès du grand public, mais également de sensibilisation auprès des décideurs et des médias...Selon moi, l’un des grands moments dans cette explosion du libre en France reste la manifestation "Semaine du Libre" (du 3 au 11 octobre 1998). Il y avait notamment eu une démonstration de logiciels libres, à la Villette, par une classe de collège. Et une monstrueuse install party le week-end.
Quel avenir pour Linux ?
C’est difficile à dire. Le libre est une révolution à mon sens irréversible, mais seul l’avenir le dira. GNU/Linux deviendra sans doute l’OS (operating system, système d’exploitation) de référence, présent sur de multitudes de plates-formes. Mais l’important est qu’il existe du libre dans TOUS les domaines, et notamment le domaine des applications.