L’administration Clinton a pris position en faveur de l’industrie du disque dans le procès qui l’oppose à Napster. Selon elle, le site californien viole la loi américaine.
Arnaud Gonzague |
Les géants de l’industrie du disque, regroupés au sein de la Recording Industry Association of America (RIAA) ont trouvé un allié de taille dans leur lutte contre Napster : le gouvernement américain, en personne. L’administration Clinton a en effet fait parvenir à la cour d’appel chargée d’examiner le procès Napster en octobre un document de 37 pages révélant une position pour le moins tranchée : le site d’écoute et d’échange de fichiers musicaux contrevient à la loi, et enfreint plus particulièrement le Audio Home Recording Act (AHRA) de 1992.
Or, c’est précisément cette loi que les avocats de Napster invoquent pour faire valoir le bon droit de leur client : elle autorise en effet tout individu à copier de la musique pour un usage personnel. En juillet dernier, la juge Patel, qui avait décidé de faire fermer - temporairement - Napster, avait estimé que cette loi s’appliquait aux équipements comme les chaînes hi-fi, mais pas aux logiciels. C’est également l’avis du gouvernement, dans ce document co-signé par le Department of Justice (le secrétariat d’...tat à la Justice), le Bureau des brevets et marques déposées et le puissant Copyright Office (le Bureau des droits d’auteur).
Les Démocrates achetés ?
Le groupe
de heavy metal Metallica et le rappeur Dr Dre ont envoyé des courriers à
onze universités américaines, les enjoignant de bannir Napster de leurs
campus. Aucune menace de poursuites judiciaires dans ces missives adressées
aux facs d’Harvard, Stanford ou l’Université de Virginie. Mais le message
est bien clair, surtout quand on sait combien le groupe et le rappeur sont
remontés contre le site de San Diego. Ce n’est pas la première fois que
ces artistes jouent aux épistoliers : en avril dernier, Metallica avait
déjà prévenu quelques universités, comme Yale, qui ont interdit l’utilisation
de Napster (lire Les
facs US renvoient Napster). Cette guerre entre stars et Napster réveille
en tout cas l’imagination des artistes, comme les graphistes fous de CampChaos
qui ont réalisé un petit dessin animé hilarant où les chanteurs qui ont
pris position contre Napster passent à la moulinette. On les voit chanter
une parodie de la chanson We are the World, baptisée Sue
all the World ("Traîne le monde entier devant les tribunaux ").
Une perle, réservée aux anglophones pourvus de Flash 4. |
La prise de position de l’administration Clinton est un rebondissement essentiel dans ce procès qui n’en manquait déjà pas. Fin août, les géants de l’industrie en ligne comme Amazon, AOL ou Yahoo avaient pris position en faveur de Napster (lire
Les géants du Net défendent Napster ). Cette fois, la bataille semble se dessiner de manière beaucoup plus claire : d’un côté, une bonne poignée d’industriels défendant à travers Napster non pas le fait de contrevenir au copyright, mais le droit à l’innovation technologique. De l’autre, la RIAA et le gouvernement Clinton, soutenant une interprétation beaucoup plus restrictive de la loi. Qu’est-ce qui peut bien motiver les Démocrates ? Certains estiment que les donations généreuses de l’industrie musicale au parti de Bill Clinton y sont pour beaucoup (lire l’enquête du magazine en ligne
Wired,
Chart : Where Music Money Goes).
Comme si cela ne suffisait pas pour Napster, le nombre de ses utilisateurs vient d’être sérieusement revu à la baisse. Au lieu des 20 millions habituellement cités, l’institut statistique Média Metrix a relevé 5 millions d’internautes uniques. En clair, pour Média Metrix, un internaute se connectant à cinq reprises en un mois ne compte qu’une seule fois. Seule consolation pour le programme d’échange de fichiers, l’étude concède que le nombre de napstériens a quadruplé entre février et juillet 2000.