En 1998, Egghead créait la sensation : le réseau de magasins se débarrassait de tous ses points de vente pour se concentrer sur le Net. Un fabuleux coup de poker.
Perdu, malheureusement : Egghead.com vient de se mettre sous la protection de la loi des faillites américaine. Et l’essentiel de ses actifs devrait être repris par Fry’s Electronics, une chaîne de magasins d’électronique. L’histoire s’amuse : en 1997, Egghead était une chaîne de magasins d’informatique... Il y avait plus de 200 boutiques à l’enseigne de la tête d’œuf. On y vendait du petit équipement et des logiciels. Mais la société, en difficulté, commença à fermer des enseignes pour se retrouver, en janvier 1998, avec 80 magasins sur les Etats-Unis. Des survivants, pour peu de temps : à la fin de ce mois de janvier 1998, la firme annonçait son intention de passer progressivement au 100% virtuel.
Avant fin 1999, les boutiques étaient fermées et l’activité basculée sur le site Web egghead.com. Commentaire, à l’époque, de Erica Rugulies, analyste au Giga Information Group : " c’est le début d’une tendance. Pour la première fois, nous sommes vraiment capables de dire que le commerce électronique a démarré ". On parlait même d’un " modèle établi ", en citant bien sûr Dell, qui ne vendait que par correspondance.
Honnêtement, tout le monde y a cru. Et il y avait de quoi. Le chiffre d’affaires de 1998 frôlait le milliard de francs, et si les pertes restaient importantes (de l’ordre de 200 millions de francs), l’envolée du titre à Wall Street permettait de trouver de l’argent frais en attendant que le marché décolle vraiment.
Il ne va jamais le faire suffisamment. Le ralentissement de l’activité américaine n’aidera pas la société. Ni la stagnation des ventes de micro-ordinateurs sur le marché américain. Ni, bien sûr la méfiance persistante de beaucoup de consommateurs vis-à-vis de l’achat en ligne. Le résultat est là : la faillite de Egghead.com, qui n’a réussi ni à atteindre l’équilibre, ni à trouver de nouveaux investisseurs. La bourse ? Avec une action passée de 108 dollars fin 1998 à 30 cents aujourd’hui, difficile de lui demander quoi que ce soit... Seule solution trouvée par le management : vendre ses actifs à Fry’s Electronique.
L’histoire d’Egghead vient conforter ce que l’on observe en France : les sociétés qui survivent le mieux dans leurs efforts de commerce électronique sont celles qui disposent... de magasins. Fnac, bien sûr. Mais aussi Aquarelle ou Bebloom pour les fleurs. A l’ère du numérique, le consommateur est rassuré par l’enseigne en dur. Alors on peut se demander si, finalement, la grosse erreur de Egghead n’aura pas été de se débarrasser de ses boutiques. Mais qui peut en être sûr ? Car c’est si facile, aujourd’hui, de refaire l’histoire.