Un geste d’Alan Greenspan a métamorphosé la morosité du Nasdaq en euphorie. Pourtant, en coulisse, la netéconomie souffre toujours.
Alan Greenspan, le président de la Fed (Réserve fédérale américaine), est-il doté de pouvoirs surnaturels ? Quelques secondes après l’annonce de la réduction des taux d’intérêts de la banque centrale américaine, du jamais vu depuis 1992, le vent de folie qui soufflait ces derniers temps sur le Nasdaq s’est mué en hystérie collective. Le marché américain des valeurs technologiques a conclu la journée de mercredi sur une hausse sans précédent de plus de 14 %, entraînant derrière lui les grandes places mondiales. Seule la Bourse de Tokyo est restée indifférente. Jeudi, le Nasdaq a soufflé un peu, mais même les plus pessimistes ont changé d’avis. "Les valeurs technologiques pourraient croître de 40 %", lâche ainsi Steven Milunovich, un des responsables de la recherche de la banque d’affaires américaine Merrill Lynch.
Toi non plus, tu n’as pas changé
La baisse de 0,5 point des taux de la Réserve fédérale n’a pourtant pas fondamentalement changé la donne. Certes, les marchés n’attendaient pas une baisse aussi rapide. Mais l’hypothèse d’une réduction de 0,25 point des taux à la fin du mois de janvier était largement acceptée. Au final, la décision de la Fed n’est donc pas si spectaculaire. Surtout, elle ne change rien à court terme au ralentissement de l’économie américaine. "Cette baisse des taux n’est pas un élément suffisant pour enrayer le tassement des ventes d’ordinateurs, illustre Alain Argile, le coordinateur de la recherche sur les valeurs technologiques au Crédit Lyonnais Securities. Le marché du PC est aujourd’hui arrivé à maturité. Quand 50 % ou 55 % des ménages américains sont équipés, sortir la nouvelle version d’un PC ne suffit plus pour le vendre." De fait, les chiffres mensuels des ventes de PC accusent en décembre la cinquième baisse consécutive (- 24 %, selon PC Data) en cinq mois.
Start-ups au cimetière, salariés à la rue
Les constructeurs d’ordinateurs ne sont pas les seuls touchés. Le secteur de la netéconomie est directement affecté par le ralentissement de l’économie américaine. Les entreprises tendent à ralentir leurs investissements dans le commerce électronique, allégeant du même coup les carnets de commandes des prestataires de services. Le chiffre d’affaires du commerce électronique croît moins rapidement que prévu. Conséquence, les faillites se ramassent à la pelle. Les épiceries foodline.com et streamline.com viennent de faire leurs adieux et rejoignent eve.com, living.com ou encore furniture.com au cimetière des start-ups. Selon le cabinet webmergers.com, 210 dotcoms ont fermé boutique en 2000, brûlant dans leur mésaventure plus de 1,5 milliard de dollars (10,5 milliards de francs). Et les études montrent une franche accélération de la tendance : 60 % des faillites ont eu lieu au dernier trimestre 2000. Dans le meilleur des cas, les survivants ne parviennent pas à tenir leurs engagements. Victime de la chute des investissements des entreprises de technologies, la star Inktomi vient ainsi d’annoncer que ses ventes n’atteindraient pas le niveau escompté. Sanction immédiate, l’action Inktomi a chuté de 22 % sur le Nasdaq.
La baisse des taux, pas plus que les convulsions du Nasdaq ne changent rien, enfin, aux bataillons de "nouveaux chômeurs". Les poches pleines de stock-options qui ne valent plus un kopeck, 41 515 salariés de start-ups ont reçu leur solde de tout compte en 2000, selon le cabinet Challenger Gray & Christmas. Pire, 25 % de ces licenciements ont eu lieu au mois de décembre. Preuve supplémentaire que la tendance ne s’inversera pas sur un coup de baguette magique d’Alan Greenspan.
Les convulsions du Nasdaq en direct:
http://www.nasdaq.com
Le cabinet Challenger Gray & Christmas:
http://www.challengergray.com
http://www.cnnfn.com
http://www.cnnfn.com
La Réserve fédérale américaine:
http://www.federalreserve.gov/