Le Japon lance une base de données publique d’analyse du cycle de vie des produits
Associé aux plus grandes industries et universités du Japon, le ministère de l’Economie, de l’Industrie, et du Commerce (le Meti) va lancer la plus grande base de données au monde sur les analyses de cycles de vie (ACV), également connus sous le terme d’"écobilans". Elle sera accessible aux entreprises mais aussi au grand public, via le site du Jemai, l’association japonaise pour le management environnemental dans l’industrie. Les ACV de 350 produits (ciment, pneus, télés, diesel...) sont répertoriées et classées et doivent aider à terme les entreprises à passer de "l’éco-bilan" à "l’éco-conception".
Qu’est-ce que l’analyse du cycle de vie (ACV ou LCA, en anglais, pour life cycle assessment) ? Selon la définition du Cerig (Centre d’étude et de recherche des industries graphiques), c’est "un outil qui permet d’évaluer de manière scientifique les impacts potentiels d’un produit, d’un procédé ou d’une activité sur l’environnement, en considérant la totalité du cycle de leur vie." On parle souvent d’analyse d’un produit "du berceau à la tombe" mais le Centre précise qu’il serait plus juste de dire "du berceau au berceau", car l’ACV intègre la notion de recyclage.
Etre "écologiquement concernés"
Connaître la consommation d’énergie totale pour produire un crayon ou mesurer les quantités de gaz à effet de serre dégagées lors de la fabrique d’une voiture... L’intérêt des ACV, souvent aussi appelés "écobilans", est évident : choisir les meilleurs matériaux, faire des économies sur certains postes budgétaires ou s’assurer une image d’entreprise "écologiquement responsables", grâce aux labels délivrés aux productions respectant le processus ACV. Les écobilans se multiplient donc dans les principaux pays industrialisés et sont chapeautés par plusieurs normes internationales (la série des ISO 14040).
Mais seul le Japon mène une politique publique en concertation avec l’ensemble de ses filières. 56 associations de branches industrielles (pétrole, acier, électricité, chimie, automobile...) et des universités ont décidé en 1998 de mettre leurs expertises en commun, sous l’autorité du Jemai, l’association japonaise pour le management environnemental dans l’industrie, liée au Meti. Les ACV de 350 produits, des télévisions aux pneux en passant par le ciment, sont répertoriées et classées selon les différents stades de production ou d’usage (extraction des matières premières, assemblage, recyclage...). Chaque ACV indique, entre autres, la consommation d’eau et les émanations de C02 afférentes.
Plus de transparence
L’objectif de la base de données japonaises : permettre aux entreprises de passer de "l’éco-bilan" à "l’éco-conception". Toyota s’est par exemple engagé à produire à partir de 2005 tous ses nouveaux véhicules selon les normes de l’ACV. Donc, à faire en sorte, dès les premiers plans, que la production, l’utilisation et le recyclage des voitures soient le moins polluants possible. Le nouveau "système d’analyse écologique des voitures" a été baptisé "Eco-Vas".
"70% des impacts environnementaux d’une voiture sont liés à son utilisation, indique Henri Lecouls, consultant pour les entreprises française qui font mener des ACV. De vrais progrès sont faits lorsqu’on produit des autos qui consomment moins et dont la fin de vie est peu onéreuse." Pourtant, l’expert pointe la difficulté à réaliser des ACV pour chacune des 10 000 pièces d’une voiture. D’autant qu’en Europe, pour cause de concurrence acharnée entre constructeurs, les ACV des modèles ne sont pas publiées. Le Japon a donc franchi un pas important en poussant les industriels non seulement à réunir leurs connaissances mais aussi à les rendre publiques.
Encore un retard français ?
En France, la coopération se réalise à l’échelle des branches : l’Association des industries de matériaux de construction est par exemple en pointe sur la communication des ACV comme sur l’analyse des fin de vie de ses produits. Mais les ACV ne se généralisent pas, en dépit des aides de l’Ademe (Agence de l’environnement et de maîtrise de l’énergie). Coûteuses, elles sont surtout réalisées par de grandes entreprises. Et l’Hexagone est à la traîne par rapport à ses voisins d’Europe du Nord. La France ne compte que deux bureaux de consultants spécialisés dans le domaine, contre 15 aux Pays-Bas, par exemple.
L’Union européenne s’est pourtant -mollement- engagée dans la promotion des ACV depuis son livre vert sur la "politique intégrée des produits" publié en 2001. Mais, contrairement à ce qui se fait au pays du Soleil Levant, cette initiative vise surtout à sensibiliser les consommateurs, pas à responsabiliser les entreprise.