Michel Briand, adjoint Les Verts du maire de Brest, est l’un des pionniers de l’implantation du Réseau en milieu municipal.
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Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
Comme utilisateur professionnel, depuis 1985 environ. J’étais alors responsable de la logistique informatique et des réseaux à l’ENST Bretagne , une école d’ingénieurs de l’enseignement supérieur des télécoms. Depuis 1995, je suis aussi intervenu dans les projets WebBo, (Web Bretagne occidentale : usages éducatifs, culturel, lien social, etc.) et Ernest : Nouvelles Technologies pour l’Enseignement dans les écoles des télécoms.
Pourquoi vous-êtes vous impliqué dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Sur le champ professionnel :
– La prise en compte du facteur structurant de l’interconnexion de réseaux et des outils ouverts du mail puis du Web dans l’évolution des "télécommunications" vers les technologies de l’information et de la communication autour d’IP.
– Le parti pris pour les solutions ouvertes face aux réseaux propriétaires (IBM, Bull, DEC) et aux visions fermées des opérateurs (France Télécom, etc.).
– L’intérêt pour les potentialités de la convergence numérique (champ des nouvelles technologies pour la formation, le travail coopératif) : projet Ernest du groupe des écoles des télécoms.
Sur le champ société 95 :
La volonté d’explorer de nouveaux usages : projet WebBO-ARIM. Intérêt de susciter un engagement partenarial en Bretagne sur ce secteur émergeant (projet pilote avec l’ENST Bretagne, le CMB, écoles et collèges de la région brestoise, Le Télégramme, Océanopolis, UDAF appuyé par le Conseil régional de Bretagne).
Et comme adjoint au maire en 96 :
– Volonté d’équité d’accès : le réseau des papis.
– D’appropriation sociale : bibliothèques.
– D’innovation dans le travail en réseau du service public local : écoles .
– D’expérimentation d’une démarche participative de coproduction : groupe de travail Citoyenneté et Nouvelles technologies .
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
Vers 95-96, avec l’essor concret des projets, la mise en réseau des acteurs locaux.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
C’est un peu le tournant en tant que visibilité externe de ce qui était déjà bien engagé depuis trois ans (le volume IP rattrapant le volume téléphonique avec un doublement annuel, en étant le symbole du décalage télécom "ancien" IP).
L’édition du guide de l’OTV sur l’accès public multimédia (fin 99) et la création, après Autrans 2000, du réseau CRéATIF des responsables de dispositifs d’accès public à Internet témoignent du passage qui va s’opérer d’actions locales pionnières à une diffusion des TIC dans l’action des collectivités locales. Et rend compte de la possibilité d’acteurs locaux de faire émerger un besoin social jusque là ignoré des gouvernements et reconnu aujourd’hui au sein de la Mission interministériel à l’accès public.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
L’arrivée à maturité de la convergence des technologies autour du numérique, le seuil d’utilisateurs, la mondialisation sont quelques-unes des raisons technologiques, sociales, économiques qui expliquent l’explosion actuelle. Même si la diffusion des TIC va continuer, l’accélération des deux dernières années est plus perceptible pour la société, après cela devient plus "habituel".
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
La course aux licences et à la concentration qui mobilise des capitaux disproportionnés.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Dans la suite du réseau créatif, je participe à la création de la fédération des réseaux de l’Internet Créatif Coopératif Citoyen I3C (site en cours de création). Avec l’OTV, où je suis responsable du groupe Multimédia et vie dans la cité, je prépare un guide sur l’accès aux droits et à l’emploi à l’OTV puis sur Internet la participation et le débat local. Je participe également aux travaux de l’AVICAM (association des villes câblées et du multimédia) , de villes internet, de l’OUI (observatoire des usages de l’Internet) et de la fondation de France et des ...tats généraux de l’écologie politique sur l’appropriation sociale des TIC. En Bretagne, je propose la création d’un réseau des villes de Bretagne et un réseau structuré par pays.
À Brest, j’anime le développement de portails locaux mettant en réseaux les acteurs locaux dans une démarche de coproduction :
– Portail associatif en cours autour du travail de l’association infini .
– Accès aux droits un premier niveau d’entrée a été réalisé cet été.
– ...ducatifs en cours, en élargissant aux acteurs éducatifs le réseau des écoles et le projet Rasi .
– Débat et information (en préparation autour des transports, de la gestion de l’espace urbain, de la santé, de la citoyenneté).
À l’ENST, je suis responsable du projet Mirehd sur les usages du multimédia interactif pour le groupe des écoles des télécommunications. Je co-anime aussi les développements pour la formation à distance au sein de l’école, avec le groupe des écoles des télécommunications dans le cadre du Centre de Recherche et d’innovation Pédagogie pour l’enseignement des Télécommunications le CRIPT. Et avec les universités et grandes écoles de Bretagne.
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Beaucoup d’usages et d’outils restent à inventer. À l’instar du mail, du Web, de mpeg3, de nombreux usages restent à inventer et, probablement, plus de la part des utilisateurs que de Microsoft ou France Télécom...
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
La question est plutôt de la place relative du second qui passe par une volonté des acteurs locaux, une prise de conscience des politiques.
Comment voyez-vous les années à venir ?
Plusieurs avenirs sont possibles avec probablement des déclinaisons différentes selon les pays. La capacité des réseaux à se fédérer, l’interconnexion des acteurs locaux, l’impact des développements ouverts, la place conquise par la société civile, l’évolution de formes complémentaires de démocratie (de débat, participative, etc.) sont quelques-uns des éléments qui peuvent aider à un développement d’une société de l’information.
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la "netéconomie" ?
La place des TIC n’a jamais été aussi importante même si certains mirages agités ici et là se sont évanouis.
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
Quand Microsoft déclinera comme l’ont fait IBM, DEC, Bull et d’autres monopoles ? Quand éclatera le conflit entre l’accès ouvert à l’éducation et la culture et sa marchandisation au profit de quelques monopoles ? Quelle place les décideurs politiques et les acteurs de la société civile donneront aux outils de débat public, de coproduction, de participation ? Quand et comment l’Education nationale prendra en compte de nouvelles formes d’accès aux savoirs ? Comment la régulation viendra corriger les excès du marché (équité d’accès aux contenus, aux tuyaux sur l’ensemble des territoires ici et au sud) ?