Ils étaient trois. Trois experts de nationalité et de culture technique différente. Ils ne se sont pas vus avant l’audience. Ils se sont parlé par e-mails et par téléphone. Et ont fait face à quelques difficultés de communication.
La traductrice (à gauche) explique à Vinton Cerf (à droite) qu'il n'est pas autorisé à donner son opinionJulie Krassovsky |
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Vous êtes sûr que M. Vint Cerf comprend ce qui se passe ?", interroge Christophe Pecnard, l’avocat de Yahoo Inc, inquiet. "
Oui, oui", fait l’intéressé, de la tête, en esquissant un sourire, "
don’t worry". Depuis le début du procès, Vinton Cerf est en effet entouré d’une traductrice et de Bernard Norrec, autre expert français, chargé de la traduction en anglais des éléments techniques du procès. Mais voilà, maître Pecnard insiste : "
M. Cerf semble avoir un avis divergent. J’ai en main une note qu’il a fait ajouter au rapport." La note existe en effet. Vinton Cerf doit s’expliquer : "
N’ayant pas eu connaissance du rapport définitif à cause d’un problème de connexion d’e-mail (j’étais en voyage avant de venir à Paris), je pensais ne pas pouvoir être en accord avec un texte que je n’avais pas lu. C’est pourquoi j’ai rédigé une note supplémentaire."
Vinton Cerf sur la réserve
Maître Pecnard ne lâche pas l’affaire : "Vous émettez pourtant une opinion divergente." François Wallon entre dans la danse : "M. Vint Cerf a signé le rapport final, il n’y a pas de divergence." Explication finale de l’Américain qui ne cache pas ses réserves : "L’opinion émise dans cette note était fondée sur l’hypothèse que la recherche d’identité proposée par le rapport s’étendait au-delà du filtrage par mot-clé. Mais je ne suis pas opposé aux conclusions du rapport." On devine, pourtant, la position de l’Américain, ficelé à un avis technique par le cadre de l’expertise.
Illustration, quand Stéphane Lilti, l’avocat de l’UEJF demande si le site peut recourir aux cookies pour identifier les internautes. "Certains refusent les cookies, répond posément Vinton Cerf. C’est un système dont on reconnaît qu’il viole le droit à la vie privée. C’est très complexe de prendre des mesures techniques fiables, nous sommes contraints à l’imperfection. Sinon, à terme, c’est la fin du réseau."
En fin de parcours, les experts proposent de demander aux internautes de se soumettre à une déclaration de nationalité en ligne. "Cela n’est pas contraire, expliquent-ils, à ce qui se fait déjà sur le Net." Pour télécharger le logiciel de cryptographie PGP, par exemple, il faut faire une telle déclaration. Elle pose, toutefois, "la question de l’atteinte à la vie privée des internautes", admet François Wallon. Et les limites d’un rapport technique.