Un gros ver marin donne des leçons aux ingénieurs : les épines qu’il a sur le dos sont plus efficaces que les fibres optiques pour transmettre la lumière.
C’est une espèce de ver marin au nom charmant : Aphrodita. La douce bestiole possède d’étranges propriétés qui ont retenu l’attention de cinq scientifiques australiens et britanniques des universités de Sydney et d’Oxford. Pas tant parce que l’Aphrodita mesure près de 20 centimètres et a le dos couvert d’épines incongrues, sorte de longs filaments pendants - ce qui lui vaut le surnom anglais de sea mouse, "souris de mer". Non, ce qui a davantage intrigué ces chercheurs, ce sont les couleurs irisées de ce ver : selon l’angle sous lequel elles sont éclairées (avec une lumière blanche contenant toutes les couleurs), ses épines changent de teinte. Par exemple, quand la lumière arrive perpendiculairement à une épine, un rouge très pur apparaît. Mais si elle est éclairée dans son prolongement, sa couleur vire au bleu vif. Sous d’autres angles, le vert peut également être obtenu.
Une épine en tranches
Comme ils l’expliquent dans un article paru dans Nature et repris par BBC News, les chercheurs ont prélevé une épine qu’ils ont placée dans de la résine et coupée en tranches. En observant chaque partie au microscope électronique, ils se sont alors aperçus que l’épine était composée de nombreux cylindres de section hexagonale qui forment un fantastique cristal photonique (ou optoélectronique). C’est-à-dire un assemblage tridimensionnel régulier qui a des propriétés optiques complexes (la lumière se propage sous forme de photons). C’est en fait le premier cristal photonique jamais découvert dans un système vivant, qui est en outre plus régulier que le seul autre cristal photonique naturel que l’on connaissait jusqu’alors : l’opale. La finesse des cylindres et leur disposition sont tels que, sous certains angles, la réflexion de la lumière est optimisée dans une bande de fréquence très fine, c’est-à-dire dans une couleur très pure, et sans perte de puissance.
Une arme anti-prédateurs
Composées de protéines, les épines protègent les souris de mer contre les prédateurs. L’Aphrodita vit en effet dans des eaux peu profondes mais aussi jusqu’à 2 000 mètres. "En dessous de quelques centaines de mètres, peu de lumière atteint le fond de l’océan. Pour que les souris de mer soient efficaces, elles doivent faire le meilleur usage du moindre filet de lumière disponible", explique à BBC News le zoologue Andrew Parker de l’université d’Oxford, co-auteur de l’article. En fait, quoique très simple, le design de ces épines est plus efficace d’un point de vue optoélectronique que celui des fibres optiques fabriquées par l’homme. Les chercheurs suggèrent donc de s’inspirer de la souris de mer pour améliorer nos réseaux câblés.