La directive sur les droits d’auteurs numériques passait en commission au Parlement européen lundi 5 février. En l’état, elle s’avère très restrictive envers le droit des consommateurs.
Les
échanges de fichiers illégaux interdits |
L’article
3 de la directive interdit "toute communication d’uvres au
public par fil ou sans fil", y compris leur mise à disposition
"de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit
et au moment qu’il choisit individuellement". Autrement dit, tout
échange de fichiers piratés, couverts par le copyright, est
interdit. Certes, il n’était pas forcément indispensable de
le préciser. Toutefois cette disposition pourrait condamner certains
services ambigus. Par exemple mymp3.com, qui propose aux internautes d’avoir
accès depuis son site aux CD qu’ils ont déjà achetés
et quils peuvent ainsi consulter depuis nimporte quel ordinateur. |
Si Catherine Tasca a ému l’opinion publique il y a quelques semaines avec la "taxe" sur les ordinateurs pour la copie privée, la directive européenne sur les droits d’auteurs fera sans doute moins de bruit. Pourtant, à l’avenir, c’est elle qui régira, dans l’Union, la façon dont les auteurs contrôleront leurs œuvres. Et elle pourrait aboutir à restreindre considérablement le droit à la copie privée. Examinée lundi 5 février par la commission juridique du Parlement européen, elle sera soumise au vote députés le 13 février. Ce passage en deuxième lecture devrait être le dernier.
Difficile harmonisation
Le texte ne traite pas de questions telles que les brevets de logiciels, la location de vidéos ou le prêt en bibliothèque. Il porte surtout sur les droits des auteurs, producteurs, et interprètes d’écrits, de musiques ou de films. Au centre du projet : les exceptions au droit d’auteur et les technologies de verrouillage des œuvres dans l’environnement numérique. Comme le rappelle la directive, les auteurs, en Europe, bénéficient d’un droit exclusif sur la reproduction ou la diffusion de leur œuvre. Tout le reste ne relève que d’accords contractuels ou d’exceptions. C’est sur ce dernier point que les ...tats semblent avoir eu du mal à se mettre d’accord. D’après le projet de directive, chaque pays aura "la faculté" de prévoir des exceptions au droit de l’auteur d’interdire la copie ou la diffusion de l’œuvre. Un choix que le législateur pourra effectuer parmi une quinzaine de cas, comme la diffusion aux handicapés, à des étudiants ou dans des prisons, les citations dans les articles de presse ou les pastiches. À l’arrivée, les combinaisons sont multiples et le casse-tête intégral pour celui qui voudra démêler les législations d’...tat à ...tat.
Bloquer par la technique
Mais c’est la question de la copie privée qui soulève le plus d’inquiétude. D’après le texte, cette exception doit faire l’objet d’une contrepartie financière. L’Union consacre ainsi au niveau européen une revendication importante des artistes. En outre, la possibilité d’effectuer une copie privée ne fait pas l’objet d’une garantie maximale. Car la directive repose sur un schéma où les titulaires des droits d’auteur sont vivement encouragés à utiliser des solutions techniques anti-piratage. Et les ...tats s’engagent à réprimer les tentatives de contournement de ces technologies. La directive préconise notamment de condamner celui qui supprimera d’une œuvre électronique "toute information relative au régime des droits". Ainsi que celui qui distribuera une œuvre ainsi mutilée "en ayant des raisons valables de penser" qu’il enfreint le droit d’auteur.
En contrepartie, les ...tats sont tenus de faire en sorte que le verrouillage des œuvres ne bloque pas l’accès à ceux qui bénéficient d’exceptions. Sauf dans certains cas comme celui de la copie pour usage privé. Cette garantie devient alors facultative. Et elle ne doit pas, dit le texte, "empêcher les titulaires de droit d’adopter des mesures adéquates en ce qui concerne le nombre de reproductions".
Des droits inférieurs
"On va donner sur Internet des droits inférieurs à ceux qu’avait le consommateur traditionnel", dénonce Victoria Villamar, au Bureau européen des unions de consommateurs (dont fait partie par exemple UFC-Que Choisir). Le Bureau craint qu’on autorise, par ce biais, les majors à bloquer le consommateur par la technique. Difficile de savoir ce qui sortira de l’examen par la commission des affaires juridiques. "Même s’il y a beaucoup d’avocats dans la commission et qu’on peut les suspecter de pencher en faveur des auteurs, confie Victoria Villamar, les positions sont vraiment liées aux personnes et elles peuvent changer au dernier moment." La réponse définitive viendra du Parlement, mardi 13 février.
Le projet de directive soumis à la commission juridique du Parlement (au format PDF):
http://europa.eu.int/eur-lex/fr/dat...
Bureau européen des unions de consommateurs:
http://www.beuc.org/index_f.htm