Le ministère des Finances allemand est sur le point d’annuler un décret absurde voulant taxer comme un revenu l’accès à Internet sur le lieu de travail.
Premier lieu commun : l’administration ne comprend rien au monde de l’entreprise. Deuxième lieu commun : l’administration comprend encore moins la nouvelle économie. On n’est pas loin de le croire en déchiffrant le génial décret concocté par les spécialistes de l’impôt sur le revenu du ministère des Finances allemand : il vise à taxer comme un "avantage en nature" l’usage d’Internet à titre privé sur le lieu de travail. Démonstration. Vous êtes employé ? Par définition, vous ne vous connectez à Internet que pour votre usage personnel. Ce n’est pas vrai ? Prouvez-le ! Fournissez à l’administration fiscale un relevé de toutes vos connexions au bureau, en mentionnant la date, la durée, l’adresse du site et le but de la visite. Toutes les connexions non-justifiées seront considérées comme un revenu complémentaire qui doit être taxé comme tel. Vous paierez donc la totalité des coûts de connexion Internet de votre entreprise divisé par le nombre de postes. Commencez à relever les connexions à partir du 1er juillet, vous paierez en janvier 2001. Au fait, ce décret inclut également les communications téléphoniques !
Kafka.com
Le décret, publié le 24 mai dernier par le ministre des Finances Hans Eichel, a naturellement déclenché les foudres des patrons, des syndicats et de la presse. Jugé "purement absurde" par un éditorialiste du Stuttgarter Zeitung, le texte constitue également une "erreur notoire" pour Jörg Schwenker, flegmatique expert fiscal du Deutscher Industrie und Handelstag, équivalent du Médef : "Il semblerait que l’administration ait une vision erronée des nouvelles technologies, déclare-t-il à Transfert.net. Je ne vois pas comment le ministre aurait pu signer un tel texte." À ce jour, aucune des 3 millions d’entreprises membres de son syndicat n’avait commencé à appliquer le décret, toutes attendant qu’il soit amendé ou retiré face à la pression générale. Devant tant de bonne volonté, les finances ont fait marche arrière la semaine dernière pour ne pas aggraver l’image du ministre socialiste (SPD), qui aime s’afficher en fervent soutien de la "New Economy". Son porte-parole, Herr Albich, sert le mea culpa officiel : "Notre administration partait d’un bonne intention fiscale en oubliant complètement la dimension politique. Aujourd’hui, il n’y a plus de décret", affirme-t-il à Transfert.net. Le ministère a-t-il d’autres projets ingénieux pour transformer les millions de communications en recettes fiscales ? "Non, nous n’avons aucun autre texte en cours. Nous soutenons l’esprit d’entreprise avant tout." Bonne chance.