Interview de Bruno Mannoni, responsable de l’information au ministère de la Culture, et l’un des pionniers de l’Internet : dès 1994, il a travaillé à rendre le réseau familier à l’administration. Sacré job...
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Quand et comment avez-vous découvert Internet ?
À l’INRIA [Institut national de recherche en informatique et en automatique], en 1989.
Pourquoi vous êtes-vous impliqué dans Internet ? Quel a été le déclic ?
Un projet européen sur les normes OSI (X.400, FTAM) coûteux, complexes, peu fiables, en retard sur les standards internet qui sont peu chers à mettre en œuvre, simples d’utilisation, robustes....
Quand avez-vous compris que cela allait vraiment décoller en France ?
En 1992, j’en avais l’intime conviction, puis j’en ai eu la certitude en 1994, lorsque Mosaic est sorti.
Comment avez-vous vécu la période automne 1999-printemps 2000 ? Que faisiez-vous ?
J’étais chef du service informatique du ministère de la Culture. En janvier 2000, j’avais souligné la bulle spéculative des dotcoms.
Comment analysez-vous aujourd’hui cette frénésie de huit mois ?
Une bulle spéculative comme celle des tulipes en Hollande, ou celle du chemin de fer.
Quel a été, selon vous, le signal de la chute des dotcoms ?
Le retour à la réalité, le PER [ratio du cours de l’action divisé par le bénéfice par action] et non pas l’EBITDA [résultats avant impôts et charges d’amortissement] !
Que faites-vous aujourd’hui ?
Toujours pareil.
Croyez-vous toujours autant à Internet ?
Encore plus.
Croyez-vous au commerce en ligne ? Croyez-vous à l’avenir du Web non marchand ?
Je crois au commerce en ligne, pour des services à valeur ajoutée, ne nécéssitant pas de stockage de produits : choix du meilleur rapport qualité/prix pour un billet d’avion, journal personnalisé, téléchargement de musique, suivi médical, broker, etc.
Le Web non marchand, en particulier le Web "associatif" – politique, syndical, économie solidaire, ONG, idéologique, anti-xxx, pro-yyy – va être le vecteur principal de propagation des idées et de débats.
Comment voyez-vous les années à venir ?
Une dématérialisation des échanges généralisée, tant dans l’industrie que dans l’administration, et pour le particulier. Internet, lié à une volonté politique et citoyenne, permettra une "réforme" des fonctions publiques. C’est un aspect majeur des années à venir qui me semble actuellement très sous-estimé. Cela n’est pas lié à la France, mais à l’ensemble des fonctions publiques.
Cette "réforme" ne s’accompagnera pas d’un désengagement de l’...tat, d’un repli de l’...tat sur ses fonctions purement régaliennes, comme on le croit trop souvent. L’...tat, plus performant, sera plus proche des attentes du citoyen et des entreprises et deviendra fournisseur de services.
Cette évolution a commencé. Elle est peu commentée. Ce ne sera pas une révolution mais une réconciliation entre les différents acteurs. Voir pour cela le rapport de Thierry Carcenac : "Vers une administration électronique citoyenne" disponible sur le site de la Documentation française...
Croyez-vous toujours dans ce qu’on a appelé la netéconomie ?
Je crois à l’économie de coûts, d’échelle et à l’augmentation de la productivité qu’Internet peut apporter à l’économie...
Quelles vont être, selon vous, les futures grandes échéances et que vont-elles apporter ?
Le haut débit : ADSL, câble, satellite, BLR [boucle locale radio], Internet sur le réseau d’électricité, Internet sur le poste de télévision. Une pénétration d’Internet dans plus de 50 % des foyers. Une signature électronique fiable et facilement déployable et la généralisation de la dématérialisation des échanges.