L’Allemagne poursuit sa mobilisation contre la violence d’extrême-droite. En parallèle de la grande manifestation unitaire du 9 novembre à Berlin, le Net s’engage contre les néonazis.
Depuis l’attentat de Düsseldorf contre des immigrés d’origine juive en juillet dernier, la classe politique et la société allemande ont pris conscience de la nécessité de s’engager contre une violence quotidienne d’extrême-droite qui ne cesse de croître. L’Internet n’a pas échappé à cette nouvelle vigilance et de nombreuses initiatives contre les sites néonazis ont vu le jour. Du " dépistage " au tout informatif en passant par la création de logiciels de filtrage, chacun développe des philosophies et stratégies différentes.
Traque sur Internet
Dès le 8 août 2000, le parti chrétien démocrate (CDU) a lancé le site " Netz gegen Gewalt " (le réseau contre la violence). Celui-ci propose deux types d’actions. D’une part, le projet " Gatekeeper ", la création d’un logiciel de filtrage, avec la participation de la fondation Bertelsmann. " Nous aidons à la création d’une liste de mots clés qui permettra de protéger les utilisateurs et de détecter rapidement les sites aux contenus ambigus. Notre intention est de le proposer aux parents, aux écoles ou aux bibliothèques. Le logiciel devrait être prêt avant la fin de l’année et pourra être chargé gratuitement à partir de notre site ", explique Stefan Scholz, rédacteur Internet de Netz gegen Gewalt. Aux grands maux, les grands remèdes : le Réseau offre également un lien direct avec le site de l’Organisme de protection de la Constitution (Bundesverfassungschutz), l’équivalent allemand de nos renseignements généraux ! Là, il est possible de signaler les sites xénophobes ou néonazis. " Depuis août, 1500 sites de ce type ont été détectés en Allemagne ou dans le monde. Mais nous ne savons pas encore combien ont pu être interdits ", précise Stefan Scholz.
Cette stratégie de " dépistage " par les internautes a également été retenue par le site de l’association " No abuse in Internet " (NAIIN), créée pour l’occasion par plusieurs hébergeurs et fournisseurs d’accès allemands. " Depuis le début de notre activité, 100 sites d’extrême droite ont pu être interdits via notre site ", explique Arthur Wetzel, président de l’association. Celui-ci reconnaît néanmoins les limites de ce type d’action : " Les sites racistes se dissimulent également sous des noms anodins et ne sont pas forcément détectables. Ils peuvent également rapidement changer de noms ou s’installer chez des hébergeurs situés à l’étranger ".
Les médias dans la bataille
Le caractère sans fin de la stratégie de dépistage ou encore le contrôle qu’entendent établir les partisans de la mise en place de logiciels de filtrage ont été largement critiqués. Pour de nombreux utilisateurs du Net, ce n’est en effet pas en filtrant que l’on permettra aux jeunes d’être capables de résister aux sirènes des nostalgiques du nazisme. Á partir de ce constat, 21 médias allemands parmi les plus prestigieux (Der Spiegel, Bild, dpa, Die Woche, ZDF, ARD, etc...) ont décidé de lancer " Netz gegen Rechts " (le réseau contre l’extrême droite), une initiative principalement informative. Le site, extrêmement complet, offre des adresses et des informations à la fois générales et pratiques sur les agissements néonazis, le nationalisme, l’immigration ou encore la manière de faire face à cette violence au quotidien. ...galement au programme : un tableau noir où chacun, privé ou association, peut poser ses questions ou annoncer des initiatives à venir.
Depuis son lancement, le succès du site ne se dément pas. Chaque jour, la rédaction du site reçoit plus de 200 mails de soutien. De nombreuses entreprises ont créé un lien avec le site qui a déjà reçu près de 500 000 visiteurs, dont beaucoup d’écoliers, d’étudiants ou de professeurs en manque de documentation et de conseils pratiques. Selon Joachim Huber, chef du service Médias du quotidien berlinois Der Tagespsiegel, cette action a une fonction utilitaire clairement identifiable : " Elle est l’expression de la société civile, elle participe à la création d’une opinion publique démocratique. " Pour Claus Schneggenbuger, de l’ARD, la première chaîne publique allemande, " la tolérance et l’ouverture ne peuvent se développer que dans une société informée ".