Un site Internet et un livre, sans aucun rapport l’un avec l’autre, peuvent-ils porter le même nom ? Non ! dit une jeune britannique (auteur du site Katie.com) qui bataille contre Penguin (éditeur du Katie.com).
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Katie Jones est plutôt excédée. Depuis bientôt trois mois, cette londonienne de 28 ans bataille auprès de l’éditeur américain Penguin Putnam Inc pour faire cesser la confusion entre l’existence de son site personnel katie.com et un ouvrage, publié en mai, intitulé aussi katie.com. Elle estime en effet que le titre du livre porte atteinte à sa vie privée. Première du genre, la plainte de Katie Jones rappelle les problèmes posés par le droit au respect de la vie privée sur Internet, mais soulève surtout la question de la valeur juridique d’un nom de domaine.
Car dans le cas de Katie, l’analogie ne se borne pas à l’intitulé du livre. Katie Jones se trouve involontairement associée à l’histoire même du bouquin. L’auteur du livre, Catherine Tarbox, une américaine de 18 ans, raconte comment elle a été abusée sexuellement par un homme rencontré sur un forum de discussion. Hasard des circonstances ou coïncidence malheureuse, Katie Jones se trouve être à la tête d’une entreprise (ukchat.com) qui n’est autre qu’un site de discussion en ligne.
" Vous imaginez les associations que les gens peuvent faire entre mon activité et les propos du livre. C’est extrêmement mauvais pour mon travail et mes affaires ", explique la jeune femme.
Mauvaise foi ?
Tout débute lors de la sortie du livre Katie.com en mai. " J’ai commencé par recevoir des témoignages de sympathie des lecteurs et, nettement plus gênant, des témoignages de gens qui me racontaient leurs expériences de viol " raconte Katie. Après avoir découvert l’existence du livre, la jeune femme décide alors de faire appel à un avocat pour demander à l’éditeur qu’il fasse cesser la confusion. " On a envoyé une lettre aux deux maisons d’éditions, la Britannique et l’Américaine. Mais selon eux, je n’avais aucun droit légal sur le titre de l’ouvrage " explique Katie... Pour l’instant, seule la société Orion, éditeur du livre en Angleterre, a accepté d’insérer un signet dans les exemplaires non encore distribués, pour préciser l’absence de liens avec le site Web. L’éditeur américain, quant à lui, se refuse à tout commentaire. Et Katie Jones s’interroge sur la bonne foi de la maison d’édition : " Ils ont d’abord pensé intituler le livre girl.com, mais ils se sont aperçus que le nom de domaine renvoyait à un site pornographique et ils ont choisi Katie.com. Comment croire qu’ils ne connaissaient pas l’existence de mon site ? ". Si Katie n’exclut pas une action en justice, elle voit mal de quel recours juridique elle pourrait disposer.
Les noms de domaines n’ont pas de valeur juridique
Car dans la plupart des cas, les litiges opposent des sociétés réclamant la rétrocession de leur nom de domaine précédemment déposé par des particuliers, bien ou mal intentionnés. Le cas de Katie inverse le processus habituel : comment faire valoir ses droits sur un nom de nom de site web ? Pour Christian le Stanc, avocat spécialiste du droit de la propriété intellectuelle et arbitre auprès de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), la question se pose : " Katie.com est une adresse Internet et non pas l’extension en nom de domaine d’une marque commerciale. Or actuellement un nom de domaine en tant que tel n’a aucune valeur juridique ". Concernant l’atteinte à la vie privée l’avocat poursuit : " Rien n’empêche le livre de coexister avec le site Web de Katie, d’autant que c’est un nom courant en Angleterre. En France, le droit de la personnalité est plus réglementé, mais pour autant, il n’est pas sûr qu’un cas semblable y trouverait une issue favorable ". Alors en attendant de prendre une décision, Katie espère que la pression des médias fera fléchir l’éditeur.
Le site de Katie Jones
http://www.katie.com/
Le site de son entreprise
http://www.ukchat.com/home/
Le site de Catherine Tarbox
http://www.katieT.com/