Un journaliste syrien, réfugié politique, est attaqué en diffamation devant le tribunal de Paris par un ex-pilier du régime de Damas pour de prétendus propos publiées le site d’ Al Jazira, la chaîne de télévision du Qatar.
Un journaliste syrien poursuivi en diffamation en France pour des propos tenus sur une chaîne du Qatar : aussi étrange que cela puisse paraître, c’est possible. Libération, qui mentionne l’affaire dans son édition du 25 février indique en effet que Rifaat El Assad, frère du défunt président syrien Hafez El Assad, a porté plainte auprès du tribunal de grande instance de Paris contre Nizar Nayyouf. Ce journaliste est réfugié politique en Allemagne, après avoir été emprisonné et torturé en Syrie. Il est poursuivi en diffamation, pour des propos qui lui ont été attribués par un journaliste de la chaîne de télé Al Jazira, dans un article publié sur le site Internet de celle-ci. Propos mettant en cause le frère du président pour des actes graves remontant à 1980. Comment une telle affaire peut-elle se retrouver devant un juge français ? C’est un peu comme dans l’affaire Yahoo ! : le site étant accessible sur le sol français, le droit permet de considérer qu’une infraction commise sur le Net l’est en France. C’est en tout cas ce qu’a estimé le parquet de Paris qui a conclu à la compétence des tribunaux français pour juger l’affaire. Le tribunal se prononcera le 26 mars.
Site en arabe
Pourquoi Rifaat El Assad, entré en dissidence avec le régime de son pays à l’occasion de la succession du " trône " présidentiel, établi à Marbella en Andalousie et dont le fils possède une chaîne de télévision établie à Londres, a-t-il saisi un tribunal français ? Nathalie Boudjerada, avocate de Nizar Nayyouf donne pour seule explication le fait que son client était alors hospitalisé à Paris. Pour elle, l’affaire ne tient pas une seconde si l’on observe les différents points de la procédure. D’une part, le texte incriminé n’est même pas constitué de citations de son client mais d’opinions qui lui sont attribuées. D’autre part, le site de la chaîne Al Jazira ne contient aucune page en français. Un internaute n’ayant pas installé de logiciel de traduction des caractères arabes ne peut même pas visualiser les textes publiés.
Le tribunal qui doit se prononcer sur la compétence du juge français déboutera-t-il Rifaat El Assad ? Le contraire serait quand même surprenant, et ouvrirait la porte à toutes les dérives juridiques. À quand les règlements de compte entre Australiens devant la justice française pour des propos tenus sur un site américain ? Si le cas Nayyouf devait se poursuivre devant la justice, " il permettra au moins de débattre des exactions commises en Syrie dans les années 1980 " commente l’avocate Nathalie Boudjerada.
Le site d’Al Jazira ( en arabe)
http://www.aljazeera.net/