ll y a 13 ans, déjà, Fukuyama annonçait la " fin de l’Histoire ". Peu avant la chute du mur de Berlin, il défendait, dans un essai soumis au feu de la critique, que l’avenir du monde, avec la fin des blocs, serait libéral ou rien. Dans diverses autres publications, il avait, plus tard, entériné une analyse contemptrice : " l’Histoire ne peut s’achever aussi longtemps que les sciences de la nature contemporaines ne sont pas à leur terme. Et nous sommes à la veille de nouvelles découvertes scientifiques qui, par leur essence même, aboliront l’humanité en tant que telle ", déclarait-il ainsi dans une tribune du quotidien Le Monde de juin 1999.
Nommé au mois de janvier dernier au conseil de bioéthique mis en place par George Bush, il annonçait son intention de se plonger dans " la dimension internationale de la gouvernance de nouvelles technologies " . Voilà qui est fait aujourd’hui, avec l’article publié dans la prestigieuse revue Foreign Policy, comme en avant-garde d’un livre annoncé pour mai prochain .
Argument : la lutte entre le bien et le mal doit être arbitrée par les Etats qui ont le devoir de réguler le développement et l’utilisation des biotechnologies. " La biotechnologie présente la potentialité de modifier la nature humaine et ainsi la manière dont nous nous pensons comme espèce " écrit Fukuyama. Entre deux pôles, celui des libertaires et celui des environnementalistes, associés aux tenants d’une pensée religieuse et aux anti-eugénistes, cette nouvelle science ne suscite aucun consensus.
Le calendrier du nouveau siècle
Peu avant la publication de son nouveau livre " The post-human future ", le professeur d’économie politique à l’université John Hopkins de Baltimore, investit le terrain. S’il en appelle à une régulation du domaine, il passe aussitôt l’argument au filtre de sa pensée économique : réguler, d’accord mais pas trop car, par le passé, cette tendance a anéanti "une bonne partie de l’innovation ". " La communauté des chercheurs a accompli un admirable travail en se contrôlant elle-même au sein d’un domaine comme l’expérimentation humaine(...) mais il existe trop d’intérêts commerciaux à la poursuite de trop d’argent pour que cela continue à fonctionner ".
Au -delà de l’analyse, Fukuyama en appelle donc à un réveil des consciences mondiales, en n’hésitant pas, pour asseoir son raisonnement, à recourir à des comparaisons hasardeuses : si la poursuite du crime n’a pas éradiqué les crime, est-ce un raison, demande-il pour abandonner les tentatives d’en venir à bout ? Idée : même si c’est difficile, il faut harmoniser la politique des différents pays. Illustration des niveaux de préoccupations incompatibles, notamment entre les Etats-Unis et l’Europe : la bataille sur les organismes génétiquement modifiés. Conclusion : parvenir à une nouvelle approche de ces sujets controversés en " mettant sur pied des institutions internationales est un sujet crucial à inscrire au calendrier du nouveau siècle ".