Radio France a sommé le site france-culture.org de lui rendre l’adresse internet de la radio nationale. Le site a été créé par un opposant à la "nouvelle ligne" de France Culture.
"Ce site non officiel a pour vocation de rassembler tous les auditeurs consternés par la marchandisation galopante de France Culture." C’est sur cette phrase cinglante que s’ouvre france-culture.org. Le message est clair : ce n’est pas le site officiel de la radio culturelle, mais l’un des nombreux sites s’opposant à la "nouvelle ligne", du tandem Jean-Marie Cavada-Laure Adler (respectivement président de Radio France et directrice des programmes de France Culture). Plus commerciale, plus grand public, la radio dont rêve la nouvelle direction irrite de nombreux auditeurs, qui le font savoir sur Internet. Mais Patrick Broguière, musicien et fan de la radio, a fait mieux que les autres : le 7 mai 2000, il a carrément chipé l’adresse france-culture.org.
"Site-vérité"
"Toutes les adresses des auditeurs mécontents étaient impossibles à retenir, explique-t-il avec une pointe d’ironie dans la voix. J’ai voulu en créer une qui agrège leurs contenus et c’est la première qui m’est venue à l’esprit." Mais le 27 décembre, l’avocate de Radio-France envoie une mise en demeure à Patrick Broguière. La missive condamne la "contrefaçon" et enjoint sous huit jours au site "anti-France Culture" de ne plus utiliser l’adresse et de la rendre gratuitement à Radio France. Depuis, Patrick Broguière a malicieusement rebaptisé son site sosfrancecul.org, mais l’adresse france-culture.org conduit toujours à son site. Et il conteste la décision de la Maison de la Radio, qui s’apparente pour lui à de la censure d’un "site-vérité qui dérange". Il s’appuie pour cela sur des termes de la lettre qui condamnent "les informations dénigrant ladite radio et ses dirigeants".
Liberté d’expression
De son côté, Isabelle Leroux, avocate de Radio France, se défend de ces accusations : "Nous ne sommes pas contre la liberté d’expression. M. Broguière a le droit de parler, mais pas sous l’une de nos marques et sans notre autorisation." Et elle précise : "Le site aurait dit du bien de la direction de France Culture, nous aurions fait la même chose." C’est que l’avocate de Radio France sait qu’elle a la loi de son côté, qui réprime de plus en plus souvent les utilisations irrégulières de marques. Mais les déçus de la radio ne l’entendent pas de cette oreille : "France Culture appartient aux auditeurs en priorité. M. Broguière a acheté cette adresse, on la lui a accordée, il n’y a pas de problèmes", s’enflamme Antoine Lubrina, président de Rassemblement des auditeurs contre la casse de France Culture (RACCFC). L’association est prête à en découdre devant les tribunaux, s’il le faut. Mais Patrick Broguière, de son côté, semble très réservé sur une issue judiciaire, car il sait que la justice a peu de chance de lui être favorable.