Pour la première fois en Espagne, un employé vient d’être licencié pour usage abusif du mail. Les syndicats crient au scandale, sur fond de polémique politique.
Entre le 7 octobre et le 19 novembre 1999, Gregorio Gímenez, cadre de la Deutsche Bank à Barcelone, a envoyé 140 mails personnels à 298 destinataires depuis son poste de travail. Soit 11 mails par jour. Résultat : viré. Un licenciement confirmé le 14 novembre 2000 par le Tribunal supérieur de justice de Catalogne (TSJC). Motif : "Usage à des fins personnelles du courrier électronique pendant les horaires de travail." La Deutsche Bank avait pourtant prévenu ses salariés : interdiction d’envoyer des mails persos depuis son bureau. C’est la première fois qu’un tribunal espagnol rend une telle décision, qui risque fort de faire jurisprudence car aucune loi n’est en vigueur à ce sujet en Espagne. Les juges ont également justifié la surveillance des boîtes électroniques des salariés par leur employeur.
Polémique politique
Plusieurs syndicats ont protesté contre cette décision. Pour Manel García Biel, porte-parole de la branche catalane des Commissions ouvrières, le plus important syndicat espagnol avec 800 000 adhérents), "il est inadmissible qu’une entreprise surveille les mails de ses employés. Même si, pour le moment, il y a un vide juridique à ce sujet, il s’agit avant tout de la protection de la vie privée". Manel García Bel précise toutefois qu’un abus dans l’utilisation de la messagerie électronique de sa société doit être sanctionné. Quant à José Antonio Gerona, vice-secrétaire de l’Union générale des travailleurs (UGT) de Catalogne, "si l’employeur peut lire les mails de ses salariés, on va en arriver à ce que ces derniers, se sachant surveillés, n’utilisent plus le courrier électronique, ce qui peut porter préjudice à la société".
Du côté des politiques, la polémique enfle entre le parti Socialiste (PSOE) et le parti Populaire (PP), au pouvoir. Le PSOE a immédiatement réclamé des garanties de sécurité pour les mails, comme il en existe pour les appels téléphoniques. Par l’intermédiaire de Félix Lavilla, député et membre de la commission Société de l’information de l’Assemblée nationale, le PSOE a déposé mardi 28 novembre un projet de loi qui reconnaît à tous les Espagnols le droit à l’intimité et à l’inviolabilité de leurs communications par courrier électronique. Le PP, majoritaire, a immédiatement fait savoir qu’il voterait contre. Ça ne rigole pas !
La Deutsche Bank:
http://www.deutschebank.de
Le syndicat Comisiones obreras:
http://www.ccoo.es
Le syndicat UGT:
http://www.fut.es/~ugttel