La société Emmaüs HLM poursuit l’auteur d’un site Internet qu’elle accuse de diffamation.
Quand les vieilles querelles ressurgissent sur le Net, la liberté d’expression est de nouveau en question. Cette fois ci, ce n’est pas une entreprise à vocation commerciale comme Danone ou Aubade qui met en branle la machine judiciaire, mais une institution caritative respectée : la fondation Emmaüs. Plus précisément, c’est la société Emmaüs HLM, gérante d’un parc locatif à destination des familles pauvres, qui vient d’assigner en référé les hébergeurs d’un site la mettant en cause. S’estimant diffamé et victime d’un "trouble manifestement illicite", le bailleur soupçonne fortement l’identité de l’auteur. Un certain Eddy Laurent, qu’il accuse de "cherche(r) à nuire à Emmaüs par tous les moyens". Disparu de la circulation depuis quelques mois, ce particulier refait surface au travers de son site internet au grand déplaisir du bailleur.
Mépris de tous ses engageements
Car entre Eddy Laurent et Emmaüs, c’est une vieille histoire. Elle commence en 1982, lorsque la société s’engage, en concertation avec la ville de Sèvres (Hauts-de-Seine), dans une opération de réhabilitation d’un vieux quartier du centre ville. Seulement voilà, l’un des immeubles de la rue des Caves, acquis par Emmaüs HLM, est squatté depuis déjà quelques années par une communauté de gens rêvant d’en faire un "habitat social écologique". Le plus farouche militant est Eddy Laurent qui propose de réhabiliter lui-même l’immeuble avec l’aide d’entrepreneurs et d’architectes soutenant le projet, pour construire des habitations autogérées par les locataires. Pour cela, il faut un maître d’œuvre. Les discussions s’engagent avec Emmaüs mais sans succès. Le projet s’enlise, peu à peu les familles quittent le squat, mais Eddy Laurent s’acharne avant d’être expulsé en 1997 par Emmaüs HLM. Lieux d’expression des espoirs déçus d’un squatteur utopiste et de ses ressentiments, le site internet qui se trouve au coeur de l’affaire judiciaire, houspille aujourd’hui l’association caritative. Celle-ci y est accusée, entre autres choses, "d’expulser associations et familles (...), au mépris de tous ses engagements".
Textes litigieux
Des allégations que Emmaüs HLM entend bien faire condamner devant un tribunal. Tout en souhaitant que ce recours ne suscite pas un nouveau débat sur ce qui n’était au départ qu’un "problème immobilier", comme l’affirme son avocate Lise Cornillier. Une position paradoxale. Car le lancement d’une procédure impliquera inévitablement un retour explicatif sur l’historique du litige. Mais pour Emmaüs, il n’est plus question d’y revenir. L’affaire est classée. "M. Eddy Laurent a refusé le logement qu’on lui proposait, il ne voulait pas rentrer dans la norme. Nous voulons maintenant que cette affaire cesse. Il n’est pas obligé d’être d’accord avec le fonctionnement de la société, par contre il ne peut diffuser des informations mensongères sur elle sans fondements objectifs", assure l’avocate. Sévère, Emmaüs HLM demande donc au tribunal d’ordonner la "suppression des textes litigieux",de condamner l’auteur du site à une "astreinte de 1 500 F par jour à compter de la décision" et, plus compliqué, d’ordonner "la suppression du lien permettant au site d’être consulté". Le juge du tribunal de grande instance de Paris entendra, lundi 11 juin 2001, les plaidoiries des deux parties. Eddy Laurent y viendra-t-il ? "Aucun avocat ne s’est manifesté, mais Eddy Laurent a bien reçu l’assignation", assure Lise Cornillier.