Présentés comme des médicaments miracles, ils pourraient griller nos défenses immunitaires
Dans un article publié par la revue scientifique britannique Microbiology, deux spécialistes reconnus de l’écologie des micro-organismes, le Français Pierre-Henri Gouyon et l’Américain Graham Bell, remettent en question l’inocuité proclamée d’une toute nouvelle classe d’antibiotiques. Selon eux, ces drogues risquent d’apprendre aux bactéries comment contourner nos propres défenses immunitaires.
L’expression utilisée dans le titre de l’article, "Arming the enemy" (en français, "Armer l’ennemi"), semble provocatrice mais selon ses auteurs, elle est justifiée par l’engouement - jusqu’à présent sans nuance - qu’a suscité une variété d’anti-bactériens en cours de dévelopement.
Ces molécules sont présentées comme l’antibiotique ultime car elles s’attaquent directement au "talon d’Achille" de la membrane des bactéries. Toutefois, leur mode d’action est très proche de celui qu’utilisent nos propres cellules pour neutraliser les micro-organismes pathogènes.
Bactérie fait de la résistance
Ainsi, en apprenant, par pression sélective, à résister à ces antibiotiques, les bactéries apprendraient également comment neutraliser les cellules qui constituent notre première ligne de défense. C’est ainsi qu’en 50 ans, plusieurs bactéries ont fini par résister à tous les antibiotiques commercialisés.
Ce qui ne serait pas le cas pour cette nouvelle classe d’antibiotiques, selon les chercheurs qui l’a mise au point. Ils prétendent en effet que leur mode d’action est censé empêcher le dévelopement de telles résistances chez les bactéries pathogènes. Mais pour Bell et Gouyon, "les preuves expérimentales autant que les arguments théoriques suggèrent que cette supposition est douteuse". Aussi ils recommandent, dans leur article, qu’on restreigne drastiquement l’utilisation de ces médicaments tant qu’on ne connaîtra pas mieux les réponses qu’ils peuvent induire chez les populations bactériennes.
Selon les deux chercheurs, les conséquences imprévisibles que pourrait avoir l’utilisation massive de ces nouvelles molécules sur l’évolution des bactéries, et donc sur la santé de populations entières, devraient être prises en considération par les pouvoirs publics et les différentes instances de régulation.
Une mise en garde qui rappelle celle formulée à l’égard des plantations OGM. Un sujet régulièrement évoqué par Pierre-Henri Gouyon, qui plaide depuis plusieurs années pour un effort plus soutenu vis-à-vis de l’étude des conséquences de ces cultures sur l’environnement.
Arming the enemy: the evolution of resistance to self-proteins
http://mic.sgmjournals.org/cgi/cont...