La Commission des finances publie "Internet et cartes bancaires pour les nuls", un étonnant rapport visant, paraît-il, à redonner confiance aux cyber-consommateurs...
Mais que diable peut-on faire pour faire enfin décoller le commerce électronique ? Mille fois posée, la question a reçu mille réponses, rarement heureuses. La Commission des finances de l’Assemblée nationale apporte, aujourd’hui, la sienne, sous la forme d’un Rapport d’information sur la sécurité des cartes bancaires, publié le 11 juillet... Jean-Pierre Brard, rapporteur, maire de Montreuil et député apparenté communiste de Seine-Saint-Denis, y explique (très sérieusement) que les consommateurs ont peur d’acheter sur Internet et que, par conséquent, le commerce électronique ne décolle pas. Sans blagues... Pour bien enfoncer le clou, le rapport s’affirme “directement inspiré par les répercussions de l’affaire Humpich” : un informaticien qui avait réussi à tromper les terminaux de paiement avec une carte à puce programmable et avait, à juste titre, instillé le doute sur la sécurité du système français des cartes bancaires.
Pour mettre fin à cette situation fâcheuse, la Commission des finances de l’Assemblée affirme avoir trouvé la solution : dans un avenir très proche, le citoyen-consommateur (forcément) sera porteur d’une carte d’identité à puce (“une carte de citoyen életronique”) permettant de réaliser des signatures électroniques et "d’authentifier une transaction en ligne". Interrogé par Transfert, Jean-Pierre Brard estime que la sécurité de cette future carte à puce sera inviolable. C’est oublier un peu vite que, dans un accès de fièvre sécuritaro-commerciale, les banques françaises ont déjà pondu un “machin” utilisant la carte à puce et réputé extrêmement sûr : Cyber-Comm. Seul problème : Cyber-Comm n’a jamais déclenché le moindre intérêt de la part des cyber-consommateurs...
Label rouge du commerce électronique
Pour redonner confiance aux consommateurs, le rapport prône également la mise en place d’une sorte de “label rouge” qui serait décerné aux sites offrant les meilleures conditions de sécurité en matière de commerce électronique. Jean-Pierre Brard affirme que la Banque de France pourrait décerner ce label. Par le biais de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement qui devrait être mis en place dans le cadre du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne. “Ils disposeront d’une unité de veille technologique”, explique Jean-Pierre Brard. Le pari semble risqué. Le député convient lui-même qu’il n’existe “pas de sécurité totale” pour les systèmes informatiques. Qu’adviendra-t-il alors si un site labélisé par la Banque de France est épinglé pour un problème de sécurité, ce qui ternirait fortement sa réputation ? Le député-maire de Montreuil rétorque simplement que l’idée est “d’avoir une longueur d’avance sur les fraudeurs”... C’est un peu court lorsque l’on sait qu’il existe déjà 50 labels de ce type qui ne sont en rien révélateurs d’une bonne sécurité des serveurs labélisés.
Jean-Pierre Brard et les bases de données
En 1998, suite à la publication d’un rapport - dont il était déjà l’auteur - sur la fraude fiscale, Jean-Pierre Brard proposa un amendement, adopté en catimini, afin de faciliter l’interconnexion des fichiers fiscaux et du numéro de sécurité sociale. L’intercollectif Droits et libertés face à l’informatisation de la société (DELIS), qui réunit, entre autres, la Ligue des droits de l’homme, le MRAP (Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples), IRIS (Imaginons un réseau Internet solidaire), ATD-Quart-Monde, la CGT, SUD, AC !, le Syndicat de la magistrature, etc., eut beau protester, rien n’y fit. Il est désormais possible de croiser ces fichiers. Mais la loi informatique et libertés en encadre strictement les modalités. Pourquoi ? Comme l’explique Louise Cadoux, Conseiller d’...tat honoraire et ancienne vice-présidente déléguée de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), “de toutes les opérations informatiques, l’interconnexion des fichiers est celle qui, dans l’imaginaire de tout un chacun, renvoie le plus à l’image d’un ...tat policier, totalitaire, qui dispose de toutes les informations sur chaque citoyen pour le soumettre à ses desseins”. Ironie de l’histoire, l’amendement Brard s’apparente ainsi au projet SAFARI, le Système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus qui visait à doter chaque citoyen d’un identifiant unique afin de faciliter l’interconnexion des fichiers administratifs. Révélé en 1974 par le journal Le Monde, il souleva à l’époque un tollé général, provoqué par la peur de voir s’instaurer une société de type "Big Brother", au point que le Premier ministre dû retirer le projet, instaurer une commission qui déboucha sur... le vote de la Loi informatiques et libertés, et la création de la CNIL.