Dans ce "virtopéra", un avatar se mêle à des chanteurs bien réels sur quatre scènes différentes et sur la Toile. Les grandes lignes de la partition, du livret et de la dramaturgie sont données, mais les internautes sont conviés à venir les compléter. Cold Genius, le premier "network-opera-in-progress" parle évidemment de ... l’Internet.
Cold Genius cherche le secret de la vie. Comme son nom l’indique, il est à la fois génial comme l’Internet, mais tout comme lui, encore sans âme, et donc froid. Cold Genius est un avatar informatique omniscient mais sans expérience émotionnelle du réel. Au travers des quatre actes du "virtopéra", il va chercher à dépasser les frontières virtuelles de l’Internet afin de vivre l’expérience du réel.
Mélange des genres
C’est à partir de cette parabole autour de l’opéra et de notre rapport aux mondes virtuels que le compositeur et chef d’orchestre allemand Ebehard Schoener a écrit l’un des premiers opéras virtuels intéractifs. Schoener n’est pas un débutant dans le mélange des genres. Il a déjà horrifié les puristes en jouant Bach au synthétiseur et interpellé l’avant-garde en jouant Mozart avec le groupe rock Deep Purple. Musicien classique, il a également travaillé avec des musiciens aussi atypiques que Steve Reich, Laurie Anderson, Phil Glass, Meredith Monk ou Tom Waits. L’une de ses spécialités : la composition d’opéras courts. Dans Cold Genius, Schoener va plus loin et ajoute l’Internet et toutes ses potentialités. Sur scène, le personnage de Cold Genius est projeté sur un mur et tient son rôle auprès de chanteurs bien réels, le ténor Georges Maxwell ou la soprano Helen Schneider. Un récitant lui prête sa voix. "Cold Genius n’est pas un simple avatar. Il peut être animé en temps réel. Ce qui lui donne une véritable présence sur scène", explique Conny Paul, qui suit le projet pour la Deutsche Welle, l’un des principaux sponsors avec Lufthansa et BMG (Bertelsmann).
Collaboration des internautes
Les deux premiers actes du "virtopéra" ont déjà été présentés à Mantoue, en Italie (8 octobre 2000), et à Salvador de Bahia, au Brésil (15 novembre 2000). Le troisième acte sera joué à Calcutta, le 6 décembre prochain. Le final, enfin, se tiendra à Cologne le 4 janvier 2001. Les actes peuvent être suivis en direct ou en différé sur le Web. "Les deux prochains actes sont encore en cours d’écriture. Les internautes peuvent s’enregistrer en tant que GeniUsers et envoyer leurs propositions pour la suite de la composition", explique Conny Paul. À partir de là, Schoener poursuit l’œuvre avant de la soumettre à nouveau aux propositions des "GeniUsers". L’écriture de l’opéra reprend notamment le principe du Renga pratiqué à l’origine par les moines bouddhistes. Un moine imagine la première strophe d’un poème. Le deuxième moine, la deuxième strophe et ainsi de suite...
Les thèmes des quatre actes, eux, sont fixes. Ils s’accordent avec la sensibilité des lieux d’accueils. À Mantoue, Cold Genius recherchait l’amour humain et découvrait, à Salvador de Bahia, le monde magique du Candomblé. À Calcutta, il abordera l’univers de la spiritualité. Le final de Cologne permettra à l’avatar venu du Net de raconter ce que lui ont appris ses voyages dans le réel.