Pour l’instant, il ne s’agit que de censurer toute référence à IndyMedia, accusée d’avoir spammé le "chat" de CNN. Mais en matière de désinformation, CNN traîne certains boulets dont elle ne semble pas prête de vouloir se débarrasser. Et ce n’est qu’un début.
CNN censure IndyMedia. Il n’est en effet plus possible, dans le "chat"
(salon de discussion en direct) du leader mondial de l’information
d’écrire le mot "Indymedia", pas plus qu’ "indy media", "1ndym3d14", etc . Officiellement, les aficionados du réseau d’infos indépendant n’arrêteraient pas de critiquer la couverture médiatique "biaisée", sinon "censurée", de CNN, mais, et surtout, ils auraient osé "spammer" son chat. Or, les conditions d’utilisation de la plate-forme de discussion sont formelles : il est interdit d’y faire de la publicité, même à propos d’une organisation non gouvernementale. Aussi CNN aurait donc décidé de bannir le mot "IndyMedia" et ses diverses déclinaisons de ses forums de discussion. C’est en tout cas ce que déclare Edna Johnson, une représentante de CNN, à Wired.
ABC News et Fox News sont aussi bannis
Ce dernier rapporte que sont également bannies les citations de certains concurrents de CNN, tels qu’ABCNews ou Foxnews. Ce n’est pas la première fois que ces frères ennemis de l’information en réseau sont amenés à polémiquer. Au moment de sa création, IndyMedia ne cachait pas sa méfiance à l’endroit des médias dominants, CNN en tête. C’est d’ailleurs parce que lesdits médias offraient une couverture "biaisée", pour ne pas dire pro-gouvernementale (et pro-multinationales) des manifestations anti-mondialisations, qu’IndyMedia naquit. Depuis, l’agence de presse indépendante a engendré une soixantaine de sites un peu partout dans le monde, et est devenue l’un des modèles de référence du versant "libre" du Net. De son côté, CNN est devenu propriété d’AOL-Time Warner...
Il ne faut pas croire, pour autant, que les "propriétaires" soient forcément moins crédibles que les "libertaires". Ainsi, peu après les attentats, un message posté sur IndyMedia avançait que les images d’enfants palestiniens piaffant de joie à l’annonce du crash du WTC dataient de ...1991. La rumeur avait enflé, mais s’avéra finalement fausse.
Pour autant, toute guerre se passant aussi sur le terrain de
l’information, on constate que CNN a une forte propension à
tendre la joue. Ainsi, le Washington Post rapporte que le nouveau
patron de la chaîne US vient de rappeler à l’ordre ses employés : en leur signifiant de ne pas oublier que ce sont les talibans, et pas les
USA, qui sont responsables de la guerre en cours en Afghanistan, et qu’il est donc préférable de rappeler la mort de 5000 personnes lors des attentats que de s’étendre sur les victimes civiles et autres "dommages collatéraux" des bombardements américains.
CNN a par ailleurs le monopole pour les USA des images d’Al Jezira, la chaîne du Qatar, et s’est engagée à faire visionner et valider toute déclaration de Ben Laden aux responsables US, avant que de les diffuser. Sans préjuger des affaires en cours, on se souvient également que CNN, au moment de la guerre du Kosovo, accueillait en son sein cinq officiers "psyops" (pour "opérations psychologiques") américains, et que la couverture des opérations militaires s’en trouvait pour le moins biaisée...
Guerre de l’info
La guerre de l’information est en tout cas lancée : selon l’AFP, les gouvernements américain et britannique viennent d’annoncer le "lancement d’une campagne d’information agressive pour enrayer l’érosion du soutien international aux bombardements" et "contrer la désinformation des talibans et du réseau terroriste Al-Qaïda". Au même moment, Infoguerre.com, émanation de l’Ecole de la Guerre Economique, publie un dossier fort opportun au sujet de la société Hill & Knowlton, leader international en matière de "relations publiques". Au crédit de cette agence, truffée
d’anciens des services secrets anglo-saxons : des campagnes de soutien aux régimes turc, haïtien et indonésien, accusés de ne pas respecter les droits de l’homme. Mais aussi la plus célèbre des manipulations médiatiques de la guerre du Golfe : une adolescente expliquant à la télé que les soldats irakiens avaient débranché et volé les couveuses pour prématurés d’une maternité. L’histoire - complètement bidonnée en réalité, car l’adolescente était fille de l’ambassadeur du Koweit aux USA... - avait contribué à retourner, en faveur de la guerre, une opinion américaine jusque- là hostile à toute intervention militaire.