Du 12 au 30 septembre aura lieu la deuxième édition du Festival international @rt Outsiders 2001. Ses initiateurs regrettent le manque d’intérêt des médias pour l’art numérique.
Lorsque le journaliste Henri Chapier se lasse du grand écran - "Le cinéma ne peut plus m’envoyer dans la stratosphère. Des films, il en sort comme il se vend des chaussures" -, lorsqu’il rencontre le jeune responsable du département multimédia à la Maison européenne de la photographie, Jean-Luc Soret - "L’incursion du scientifique dans la création numérique est un phénomène sans précédent dans l’histoire de l’art" -, cela donne un nouveau festival, @rt Outsiders. L’an dernier, éparpillé dans divers lieux parisiens, il est cette fois-ci concentré à la Maison européenne de la photographie pour Paris, mais avec des succursales à Monaco (Forum Grimaldi) et à Los Angeles (Electronic Orphanage). "J’ai privilégié les installations multimédia interactives, avec des œuvres calculées en temps réel", explique Jean-Luc Soret, responsable de la programmation. On pourra donc voir Web Humans, de Catherine Ikam et Louis Fleri, qui proposent une immersion dans le monde des clones et réplicants du réseau ; Danse avec Moi, de Michel Bret et Marie-Hélène Tramus, ballet virtuel à plusieurs mains ; Lemmings, d’Onno Baudoin ; Avatars, de Christophe Luxereau ; etc. "Nous avons aussi voulu donner du contenu pour savoir comment appréhender ces formes de création, en proposant des débats sur l’art numérique", poursuit Jean-Luc Soret.
Réveiller la presse
D’après les initiateurs du festival, on a bien besoin de ce brin de pédagogie : les critiques d’art boudent l’art numérique, à part quelques revues spécialisées dans les technologies. Selon Henri Chapier, surpris, "l’internaute lambda est beaucoup plus sensible qu’un journaliste à cette nouvelle forme d’art". Il est temps de réveiller la presse, d’où cette conférence où deux douzaines de ses représentants étaient invités. Edmond Couchot, artiste et professeur à Paris VIII, a tenté d’expliquer ce dédain de la part des critiques. Il ne s’agit pas d’un problème de nouveauté : l’art numérique a 40 ans bien frappés ; il explose après trois décennies de clandestinité, en s’étendant aux arts de la scène, à la poésie, à la littérature. Pourquoi ce mépris ? "Cela tient d’abord à une profonde méconnaissance de la culture technique, reléguée par les élus de la culture savante. On a même parlé d’arts techno-maniaques !" Deuxième raison, les arts numériques se développent à l’écart du marché de l’art et de ces circuits de diffusion : "Dans les années 80, la scission entre les arts plastiques et les arts visuels, pour relever de deux organismes gouvernementaux différents, la DAP et le CNC, a favorisé l’ignorance réciproque. Or, c’était un moment décisif, celui de l’émergence de l’image de synthèse. De fait, cette dernière a été confisquée par le cinéma, qui a, peu à peu, évincé les artistes des grandes manifestations comme le Siggraph ou Imagina. "Enfin, la troisième raison tient à une conception très XIXe siècle du rôle de la critique d’art, qui tient dans cet aphorisme de Baudelaire : Le public est relativement au génie une horloge qui retarde." Les journalistes remettent donc les pendules à l’heure. Mais, affirme Edmond Couchot, il n’y a plus de médiation à faire, l’internaute est invité à une fonction de critique, "l’artiste et le public lisent désormais l’heure à la même horloge, et c’est celle du temps réel".
Remédier aux médias
Très juste. On n’a pas besoin de la carte de presse pour trouver son bonheur sur Internet, et pour apprécier les plus belles créations numériques. Mais à quoi bon, alors, inviter les journalistes à une conférence de presse si les médiations sont devenues inutiles ? Cette ritournelle rappelle un peu celle qui faisait florès dans la netéconomie, il y a trois ans, et qui vantait la "désintermédiation" des professions traditionnelles sur le Web. Il s’est, en réalité, produit une "réintermédiation". Et si l’on avait plutôt besoin de revisiter la critique d’art ?