La firme à la pomme a passé un accord avec le libraire en ligne pour utiliser sa méthode brevetée d’achat en ligne. Malgré la polémique suscitée par le "1click shopping" d’Amazon...
La nouvelle page de présentation du site apple.com est parfaitement explicite : "Désormais, avec le 1click shopping, acheter dans notre magasin en ligne est aussi simple que de claquer des doigts". Au bas de l’écran, un renvoi vers un communiqué de presse rappelle l’origine de cette nouveauté : la boutique d’Apple vient de passer un accord de licence avec Amazon, qui détient un brevet sur le procédé d’achat en un clic. Or, cette auto-promotion d’Apple n’est pas aussi anodine qu’il n’y paraît puisqu’elle omet de préciser : 1- que certains d’entre nous, à leur plus grand désespoir, ne sont jamais parvenus à claquer des doigts ; 2- que le brevet déposé par Amazon fait l’objet d’une intense polémique depuis plusieurs mois.
Méthode d’achat simplifiée
Pionnier et poids lourd du secteur de la vente en ligne, Amazon a mis en œuvre une véritable politique de protection de son activité par les brevets. Le plus célèbre d’entre eux, le "1click shopping", concerne une méthode d’achat simplifiée, qui permet au client d’enregistrer une fois pour toutes son identité et ses coordonnées de livraison. Un "cookie" se charge ensuite de renvoyer ces informations à Amazon lors des connexions ultérieures. Il y a quelques mois, une plainte d’Amazon contre son principal concurrent Barnes & Noble, qui avait développé un système similaire, a suscité un tollé chez les pionniers de l’informatique libre. Ceux-ci ont accusé l’Office américain des brevets d’avaliser n’importe quoi, estimant que le procédé n’était en rien une nouveauté. Et la décision de justice, qui a donné raison à Amazon en première instance n’a pas vraiment étouffé le débat américain sur les brevets liés aux logiciels.
Apple et son brevet sur la poubelle
Apple n’a donné aucune information sur la teneur de l’accord passé avec Amazon. Selon Grégory Aharonian, adversaire acharné des brevets logiciels aux ...tats-Unis, cet élément permettrait de jauger l’attitude d’Apple par rapport au brevet contesté : "s’ils ont payé très cher pour avoir la licence, cela signifie qu’ils n’avaient pas le choix, que leurs avocats ont considéré qu’il est impossible de contester la validité du brevet d’Amazon". De toute façon, le rival de Microsoft n’a jamais affiché une réelle hostilité aux brevets. Membre du collectif Eurolinux contre la brevetabilité des logiciels en Europe, Jean-Paul Smets s’interroge : "la politique d’Apple n’est pas toujours très claire. En ce qui concerne le logiciel Quicktime, par exemple, le code de certaines applications est disponible, mais un des principaux algorithmes de compression est totalement secret." Ambiguïté ? "Apple est une des premières entreprises informatiques à avoir protégé ses applications par des brevets", rappelle Jean-Paul Smets. D’ailleurs, il y a quelques années, la firme à la pomme poursuivait Microsoft pour avoir contrefait sont brevet sur la "poubelle" du bureau. Autrement dit, pour Apple, qui a cherché à imposer un système totalement propriétaire, se protéger est presque une affaire de tradition. Reste qu’acheter un brevet contesté à Amazon n’est sans doute pas le meilleur des coups de pub.
Le "1click
shopping" est-il une invention ?
En déposant, en septembre 1997, un brevet sur ce qui s’apparente à une méthode
commerciale, Amazon a mis en lumière la complexité qui entoure la question
des brevets logiciels. Aux ...tats-Unis, un arrêt rendu il y a deux ans, et
qui depuis fait jurisprudence, a reconnu la légalité d’un brevet déposé
sur une méthode commerciale (ce n’est pas le cas en Europe). Cela n’a pas
empêché le gourou du logiciel libre, Richard Stallman, d’appeler au boycott
d’Amazon. Avec d’autres, il estime que le 1click shopping n’a rien d’inventif.
Conseil en propriété industrielle, le Français Pierre Breese défend Amazon
au nom du droit : "l’Office Américain des Brevets a pu se tromper en accordant
un brevet, mais sa décision a été confirmée par un tribunal." D’après la
justice, la méthode proposée par Amazon n’était pas "évidente" à la date
où elle a été déposée. Quoi qu’il en soit, l’affaire Amazon a suscité de
telles critiques que l’Office Américain des Brevets a été obligé de reconnaître
qu’il avait manqué de rigueur dans certaines de ses décisions. |