Une communauté en ligne a créé sa démocratie virtuelle, avec des partis, des "K@nzler" et des électeurs. On y vote tous les jours. "Notre communauté a la chance de pouvoir devenir une sorte de producteur d’idées nouvelles pour le monde politique réel", Urs Fähndrich, l’actuel chancelier, bachelier âgé de 18 ans dans la vie réelle.
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Face aux ratés de leur machine électorale, les Américains feraient bien d’aller se ressourcer sur le site de dol2day (democracy online today). En effet, en l’espace de seulement quelques mois, cette communauté en ligne créée par des étudiants allemands d’Aix-la-Chapelle a déjà élu sans aucune difficulté deux "chanceliers de l’Internet". Dans cette petite démocratie virtuelle, c’est bien simple : onvote tous les jours. D’ailleurs, la campagne électorale pour l’élection du prochain "K@nzler ", fixée au 4 décembre prochain, bat déjà son plein.
Lancé sur le réseau à la mi-avril 2000, dol2day est un véritable jeu de simulation politique. Chaque internaute à la possibilité de s’enregistrer sous un pseudonyme et de s’inscrire dans l’un des 15 partis existants. Et, au cas où l’on ne désire pas s’engager, on peut toujours adhérer au groupe neutre surnommé "Le peuple".
Sans qu’il existe de liens officiels avec les partis politiques réels, on y retrouve assez fidèlement l’éventail des courants politiques allemands traditionnels : les chrétiens-démocrates (CIP), les sociaux-démocrates (SIP), les libéraux (IDL), les écologistes (GII) etc... Mais pas seulement. Il y a aussi le sympathique IFGU, l’initiative pour la joie de vivre et le bien dans le monde, ou encore l’AKWA, le "parti des créatifs", qui propose un concept politique limpide et rafraîchissant : AKWA se prononce aussi aqua (l’eau). La politique doit donc être comme l’eau, transparente et au centre de la vie.
Collectionner les points pour être élu
Plus problématique et actuellement au centre des débats des nombreux forums du site : la création récente du FUN (Freiheitlich - Unabhängig - National), un parti au message "libertaire, indépendant et national" que d’aucuns soupçonne, malgré ses envolées démocratiques, d’avoir été créé par des membres du NPD, le parti néo-nazi bien réel qui fait actuellement tant parler de lui en Allemagne. Comme leurs grands frères, les partis virtuels de dol2day n’échappent pas au dilemme posé par les extrêmes : dialogue ou exclusion. Une étape visiblement inévitable dans le processus de maturation de tout système démocratique, virtuel ou non.
La libre expression et la représentation sont au cœur du concept de dol2day. On est là avant tout pour exposer et défendre ses idées. Les plus ambitieux peuvent aussi choisir de faire carrière au sein d’un parti voire, pourquoi pas, en devenir le candidat pour l’élection du chancelier de l’internet qui a lieu environ tous les deux mois. Pour cela, un système de points, les dols-points et les Bimbes (terme ironique pour désigner les pots-de-vins), a été créé. On les obtient en multipliant les prises de positions dans les chatrooms et les forums, en lançant des référendums sur les thèmes les plus variés et en s’attirant les sympathies des autres membres de la communauté. Plus votre participation est grande et plus le nombre de personnes qui adhèrent à vos idées est important, plus vous aurez de points et plus vous verrez grandir vos chances d’être élu. Autre variante pour conquérir le pouvoir : réunir au moins 100 sympathisants et créer son propre parti.
"Notre communauté a la chance de pouvoir devenir une sorte de producteur d’idées nouvelles pour le monde politique réel", estime "Reto" alias Urs Fähndrich, l’actuel "K@nzler", membre de l’Initiative démocratique libérale et bachelier âgé de 18 ans dans la vie réelle. Pour lui, dol2day n’est pas à prendre à la légère et peut même "révolutionner les processus de formation de l’opinion politique".
Pêché de jeunesse
Pour l’instant, dol2day n’en est pas encore là. En effet, les discussions suivies dans les forums ressemblent plus à une juxtaposition peu cohérente d’avis personnels qu’à un véritable débat producteur d’idées. Quant aux questions posées dans les référendums, elles oscillent entre le très sérieux ("Pensez-vous que la coalition rouge-verte soit déjà en bout de course ?" ou "La réforme fiscale peut-elle déclencher une crise des marchés financiers allemands ?") et le n’importe quoi ("Te réjouis-tu de l’approche de la prochaine fête de la bière ?" ou encore "Qui prépare la meilleure pizza congelée ?"). Par ailleurs, l’organisation du gouvernement virtuel de "Reto" semble avoir du mal à s’émanciper des schémas établis. Seule fantaisie : le "ministère de la Défense" a été rebaptisé "ministère de la Paix". Enfin, les pages de présentation des principaux partis de Dol2day sont de plus de plus envahies par les liens et les slogans politiques de leurs grands frères réels.
À la décharge de dol2day, on dira que son existence même est en soi novatrice. Par ailleurs, on rappellera que l’expérience n’a que quelques mois de vie, encore trop peu pour devenir le laboratoire politique qu’elle sera peut-être un jour. La communauté, qui comptait quelques dizaines de membres à ses débuts, en regroupe aujourd’hui plus de 6 000. Tous les espoirs sont permis.