"La deuxième révolution américaine sera une fête de rue pour la vie, la liberté et la quête du bonheur." C’est avec ce slogan que le collectif Adbusters compte détourner la fête de l’indépendance américaine et réveiller les consciences contre un fléau moderne : le pouvoir exorbitant des grands groupes. Connu pour ses détournements de pubs, le célèbre collectif canadien a fondé son action sur un faux drapeau américain, dont les étoiles blanches ont été remplacées par les logos de multinationales comme Apple, Nike, Camel, IBM, Coca-Cola, Warner, Playboy, Shell ou Compaq. Aujourd’hui, dans des centaines de villes des Etats-Unis, 500 de ces étendards politiques devraient être exposés par des activistes, aux Etats-Unis et au-delà. Recrutés par Internet, ces militants tenteront de remplacer le drapeau américain qui orne habituellement les supermarchés WalMart, de perturber les célébrations officielles du 4 juillet ou plus simplement d’exhiber le fanion protestataire à leur balcon.
Héritage situationniste
"Nous voulons dénoncer l’appropriation de notre environnement par les marques et surtout faire réfléchir les gens", explicite Kalle Lasn, le fondateur d’Adbusters. Ce Canadien d’origine estonienne de 59 ans s’est spécialisé dans le détournement des messages corporate et a lancé le Buy Nothing Day, une journée de non-consommation qui a lieu, chaque année en novembre. Adbusters édite un magazine éponyme tiré à 85 000 exemplaires, tient un site web très prolifique et fédère un réseau d’activistes, écrivains, publicitaires, artistes et businessmen "subversifs". Toujours habilement marketées, les actions d’Adbusters s’inspirent de la stratégie de disruption de la société du spectacle héritée des situationnistes. Pourtant, le collectif a progressivement cessé de prendre le contre-pied systématique de la pub pour engager une action plus en profondeur.
Plusieurs pays, plusieurs drapeaux
En 1999, ils ont participé activement aux manifestations de Seattle et enfin obtenu la diffusion de leurs spots protestataires sur CNN, ainsi que sur de nombreuses radios. Toujours dans la mouvance post-Seattle, leur stratégie d’attaque des marques symboles est aujourd’hui renforcée par le succès de No Logo, le best-seller de la journaliste canadienne Naomi Klein. Aujourd’hui, Kalle Lasn est optimiste et croit tant à une radicalisation du mouvement qu’à son renforcement : "Pour la première fois depuis 20 ans, les jeunes ont de bonnes raisons de protester." Ce grand admirateur du "panache et des tripes" de José Bové espère que la contre journée d’indépendance fera des petits et prépare déjà la version anglaise et australienne. "Les anti-mondialisation ne peuvent continuer à aller de sommets en sommets indéfiniment. Nous pensons qu’il est aussi important d’agir au niveau national", explique Kalle Lasn. La Pologne, l’Autriche, l’Allemagne, le Japon, la Suède, la Suisse et les Iles Vierges auront aujourd’hui leur drapeau. En revanche, Paris ne sera pas de la fête. À moins que le 14 juillet ne donne de l’inspiration à certains.