Le 6 novembre, son rapport d’expertise, rédigé avec l’Américain Vinton Cerf et le Britannique Ben Laurie, permettra au juge de trancher l’affaire Yahoo !. Portrait d’un informaticien atypique.
Il pilote des hélicoptères, des avions et des bateaux - c’est affiché sur les murs de son bureau. Au milieu de ses brevets, tableaux, photos et autres estampes japonaises, dans le joyeux capharnaüm napoléonien qui lui sert de cabinet de travail, François Wallon, 54 ans, trompe son monde. On l’imaginerait bien major britannique au repos - le blazer à boutons dorés, le pantalon à l’écossais fondu, tout y est -, mais quel sujet de sa Gracieuse Majesté arborerait un aussi triomphal nœud pap’ ? Ne pas se fier à la première impression : cet homme-là, dans cet univers-ci, est, à Paris, l’un des meilleurs experts informatiques du moment. Depuis plus de vingt ans, avec sa valisette à roulettes bourrée de câbles, de zips, de pinces et de logiciels, il promène sa longue silhouette sur tous les lieux d’expertise pour le compte de la cour d’appel de Paris, de la Cour de cassation et aussi pour sa pratique personnelle. « Je suis un expert-cambouis », aime répéter cet ancien d’IBM, en justifiant son insatiable propension à jouer du tournevis sur les ordinateurs, les disques durs et tout ce qui peut stocker des données bien planquées.
Au diable la parano
L’heure de gloire de François Wallon sonnera peut-être lundi 6 novembre, à 14 heures. Ce jour-là, au Palais de justice de Paris, il remettra au juge Jean-Jacques Gomez les propositions pour régler l’affaire Yahoo !, établies avec l’Américain Vinton Cerf, l’un des pères de l’Internet, et le Britannique Ben Laurie, spécialiste des logiciels libres. Ils ne se sont jamais vus et ont travaillé, pendant des semaines, par conférence téléphonique et e-mails. Et au diable la parano sur les écoutes ou les interceptions de e-courrier dont notre homme n’ignore rien. Leur rapport commun dira si la technique peut répondre à la demande du tribunal : empêcher l’accès des internautes français à un commerce d’objets nazis sur le site américain de Yahoo !, réprimé ici par la loi. Une première.
Pas de secrétaire
Il en est assez fier, cet héritier des deux Wallon, Henri le républicain et Henri le communiste : le « père de la République » qui vota contre la restauration de la Monarchie en 1873 (son arrière-arrière-grand-père), et le psychologue, communiste et résistant, co-auteur de la loi sur l’enseignement après la dernière guerre (son grand-oncle). Une lignée aussi encombrante forge un destin. Et ni la sonnerie du téléphone, ni le pager hyperactif, ni les e-mails accumulés, ni les scellés judiciaires qui s’entassent dans de giga sacs-poubelles, ne viendront à bout de sa marotte : pas de secrétaire. « Depuis que j’ai vendu ma société d’informatique en 1978, j’ai décidé que je n’aurais plus de personnel. » Dans l’ombre des juges antiterroristes, il a fait parler les données les mieux dissimulées. Mais il n’aime rien tant qu’une bonne expertise civile. Ou une contrefaçon de derrière les fagots, un vol de technologie, l’appel en urgence d’un client aux prises avec une perquisition. Et aussi l’enseignement à la fac de Jussieu, où il recrute parfois des étudiants. Pour l’aider à tirer des listings sans fin.